Le PS de 2012 à 2017 et 2022: un contexte difficile mais une situation centrale et des possibilités réelles de renouvellement du leadership

1. Méfions-nous des modes, tant elles passent vite. L’exécutif socialiste n’est pas forcément déjà et définitivement condamné.

En premier lieu, l’impopularité actuelle tient surtout à un rejet (absolu mais logique) des électeurs de droite et à un fort recul parmi les électeurs du centre-droit ou du FN. Le phénomène tient donc d’abord à une polarisation. Dès l’instant où l’électorat de gauche retrouverait un motif de mobilisation, ce pourrait être suffisant: une présidentielle est mobilisatrice; une présidentielle face à Sarkozy ou, par défaut, face à Copé, serait idéale.

Ensuite, les élections municipales, ainsi que je l’ai expliqué dans l’article précédent, ne seront pas perdues par le PS, en tous les cas pas médiatiquement, car les grandes villes font la tendance, l’impression, et seront conservées par la gauche.

La droite, sur le long terme, reste handicapée par la présence à haut niveau du FN, qui, même en admettant que le problème de la stratégie électorale soit réglée, induit mécaniquement une droitisation de l’UMP (que ce soit Copé ou Fillon). Tant que le PS garde un socle suffisant pour ne pas se retrouver en troisième position d’une présidentielle, rien n’est perdu. Or, Mélenchon ne parviendra pas plus à ses fins en 2017 qu’en 2012 et on ne voit pas qu’un écologiste émerge tellement qu’il menacerait le PS. L’apparition de l’UDI, si elle n’échoue pas lamentablement comme toutes les précédentes tentatives de Borloo, est bien plus problématique pour l’UMP.

Dans le même temps, alors que l’UDI est clairement décalée à droite, l’effacement de Bayrou et la gauchisation des Verts ne peuvent que renforcer le positionnement central des socialistes. Un regain du FG, voire de l’extrême-gauche pseudo-trotskyste, ne peut qu’en réalité le favoriser, car il ne sera pas suffisant pour recréer un « 21 avril à l’endroit » (2012 est éclairant, avec le dégonflement de la bulle Mélenchon): de ce point de vue, le parallèle avec le FN ne tient pas, numériquement parlant; mais il sera suffisant pour faire apparaître l’exécutif assez central, surtout avec un Valls à la sécurité, un Moscovici à l’économie et une Touraine à la santé, la gauche du PS étant surtout reportée dans le parti lui-même. Avec du permissif en pagaille sur le plan sociétal et avec quelques mesurettes modérées, les cadres supérieurs, voire les professions libérales (l’éccord sur les dépassements d’honoraires est emblématique de la bienveillance hollandaise à l’égard des médecns…), continueront de voter « social-démocrate ». Et ces catégories-là s’abstiennent peu.

Enfin, la conjoncture économique peut très bien se retourner avant la fin 2016, juste à temps pour la présidentielle.

L’emballement actuel qui consiste à voir Hollande déjà battu et Ayrault déjà congédié doit donc être quelque peu modéré.

2. Il n’empêche que l’affaiblissement de l’exécutif est réel. Mais plutôt pour des raisons intrinsèques: c’est la faiblesse propre de l’individu Hollande qui apparaît en réalité dans toute son ampleur.

– Son incapacité à mettre de l’ordre parmi « ses » femmes a évidemment contribué à affaiblir son autorité. C’est probablement loin d’être fini, si l’on en croit… Libération, qui nous fait part du jugement de Hollande sur la beauté de l’ex et de leur long aparté. Eh bien non, vous avez bien lu: ce n’est pas Voici mais l’une des Pravda de la gauche française qui nous gratifie de ce nouvel épisode.
Mais, plus sérieusement et plus largement, c’est sa personnalité qui est en jeu: Aubry nous avait prévenus ! « P’têt ben qu’oui, p’têt ben qu’non », « quand c’est flou, y’a un loup », « la gauche molle »… Mais aussi Royal, en défiant de trouver quelque décision que ce soit en 30 ans de vie politique… Elle était rude: mais, après tout, l’échec du PS sur le référendum de 2005, c’est bien Hollande qui l’a organisé et ce fut la seule décision importante de sa vie politique…

– Ses contradictions très précoces sont d’autant plus fragilisantes qu’elles portent sur le seul terrain où il avait fait des promesses un peu précises et où il faisait vraiment la différence (électorale) avec Sarkozy: la pratique du pouvoir. Aujourd’hui, entre la concubine, l’ex, la récupération médiatique de la mort d’un nouveau-né, la gesticulation autour de faits divers sécuritaires, les pseudo-voyages en train, les sondages élyséens qui reprennent, les cafouillages avec le Parlement et le Conseil constitutionnel, le manque de concertation interne comme le manque de discussion parlementaire, l’interventionnisme caché au sein du gouvernement ou au coeur même du PS (Hollande a fait écarter Cambadélis, contre l’avis d’Aubry notamment, pas moins), la présidence « normale » est bien morte et, avec elle, le seul « plus » de Hollande sur le plan électoral.

– Les rapports avec Ayrault se font sans autorité réelle. De ce point de vue, alors qu’on a comparé Ayrault à Fillon, il est bien plus proche d’un Raffarin, par l’impopularité croissante et (probablement) sans retour, par le positionnement d’une (petite) autonomie par rapport à un Président lui-même affaibli. Hollande aurait probablement souhaité se rapprocher du modèle Mitterrand-Mauroy de 81 ou, plus exactement, de 82-83 (lorsque Mauroy et Delors ont fait le « sale boulot » de la rigueur et du maintien dans le SME), mais il a déjà le Mauroy de 84, démonétisé, incapable de retenir les communistes, submergé par la fin du charbon et de l’acier, déstabilisé par une droite renaissante.
Ayrault n’est pas un fidèle absolu ou un exécutant, à la manière d’un Fabius, d’un Bérégovoy, d’un Juppé ou d’un Fillon (rôles que tiendraient mieux un Sapin, similaire à Fillon, ou un Moscovici, hybride de Fabius et Juppé).
Il n’est évidemment pas non plus le vrai chef comme un Villepin ou un concurrent potentiel comme un Rocard.
Il est davantage un compagnon de route à l’assise propre assez étroite, comme Raffarin, avant de peut-être finir aussi mal en point qu’une Cresson et, comme elle, de ne même plus jouer le rôle de fusible.
Le plus probable reste un « essorage » minutieux et complet d’Ayrault (qui doit servir jusqu’au bout…) pendant encore presque 2 ans.

– L’affaiblissement de l’exécutif vient aussi des libertés prises par un certain nombre de ministres, dont beaucoup jouent des divergences et parasitages avec Ayrault (Peillon, Filippetti, Montebourg, mais aussi Cahuzac ou Sapin, à leur manière).

– Hollande ne contrôle pas non plus réellement le PS, car la réduction du nombre de postes alloué à cette majorité fourre-tout diminue mécaniquement la part des hollandais. En outre, beaucoup de ministres et de hollandais rallié ont renforcé ou créé leurs propres chapelles socialistes: Valls, Peillon, Moscovici sont à la hausse; Delanoë n’est pas complètement parti et Désir n’est pas un hollandais pur jus; Montebourg et Hamon conservent une capacité de nuisance.
Surtout, Aubry sera encore là, d’autant plus qu’elle est partie fâchée et qu’elle pourrait bien revenir en recours incontournable pour Hollande, en 2014, lorsqu’il s’agira de remobiliser l’électorat de gauche (ce que j’écris là, qui date d’avant le congrès, est bien confirmé par la démonstration de force d’Aubry à Toulouse). Mais alors, Hollande sera encore plus affaibli car cela se fera à ses conditions à elle: un peu comme si Rocard avait réussi à s’imposer à un Mitterrand affaibli ! Inimaginable… ce qui montre bien l’écart galactique entre les performances politiques des deux François…

De manière connexe, les troupes parlementaires ne semblent pas aussi tenues que prévu et c’est un peu une surprise, alors que le fidèle Le Roux devrait être à la manoeuvre à l’Assemblée et que le fidèle Rebsamen regimbe et boude. Bartolone, tout à sa joie d’un poste prestigieux, se laisse aller à des libertés qui n’arrangent pas non plus la situation.

– En outre, ceux qui auraient pu constituer une deuxième génération de hollandais, plus fidèle que les éléphants ralliés (Peillon, Valls, Moscovici, voire Montebourg) parce que promue ou sauvée par le seul Hollande, sont en train de se dévaloriser rapidement: Filippetti, brouillonne et rigide, Vallaud-Belkacem grise et inaudible, Batho en porte-à-faux,…
Or, un Sapin ou un Le Foll, cela ne suffit pas à asseoir une présidence forte…

3. Cet affaiblissement prématuré, mais probablement durable car intrinsèque à l’homme et à sa pratique, risque de rendre le chemin de 2017 assez ardu.

D’abord, j’ai déjà expliqué que les municipales de 2014 ne seraient pas considérées comme perdues par le PS. En revanche, les européennes de 2014 pourraient bien être une débâcle: traditionnellement l’occasion de la dispersion et de la rébellion, ces élections pourraient relancer, même temporairement, EE-LV (comme d’habitude), Mélenchon et Le Pen.
Les régionales et cantonales de 2015 ne devraient pas être aussi catastrophiques, mais ne pourront être bonnes, tant le PS part de haut. On imagine bien la Champagne-Ardenne, la Franche-Comté, la Basse-Normandie, les Pays-de-la-Loire, voire la Bourgogne ou d’autres, enfin rebasculer à droite.
Si les municipales de 2014 pourraient bien être un répit et les européennes de 2014 une défaite du PS sans victoire de l’UMP, les régionales et cantonales de 2015 pourraient bien être une victoire plus classique de l’UMP sur le PS, sans trop de parasitage FN ou de « gauches alternatives » masquant la défaite du PS (parce qu’il y a une prime majoritaire aux régionales et que le scrutin cantonal devrait rester majoritaire, même si c’est pas mini-listes ou par binômes).

Alors, Hollande pourrait-il être menacé lors d’une primaire en 2016 ? Ou tellement affaibli qu’il doive se retirer ? Après tout, en France, comme les primaires ne s’égrènent pas par département ou région (quel dommage… :P), il est plus facile de « faire un coup » contre le sortant.
Cela n’est pas exclu mais reste très peu probable. L’exemple américain nous montre qu’un Carter s’est quand même représenté, que même un Ford a fini par l’emporter sur un Reagan, que les contestations internes ont été limitées (que l’on pense aux adversaires des LBJ, Reagan, Bush Sr, Clinton, Bush Jr, Obama lors des primaires précédant leur campagne de réélection). Le cas de figure Gore-Bradley est un peu différent, même si Gore était un peu le sortant, mais seulement vice-président; et, finalement, Bradley a quand même perdu en n’ayant jamais eu de réelle chance de l’emporter.
En outre, la seule en capacité de contester le droit à se présenter du Président sortant, Martine Aubry, sera probablement Premier ministre, donc tenue à la loyauté, même de façade, et normalement elle-même impopulaire. Il faudrait qu’elle reste en réalité en dehors du pouvoir et qu’elle soit en mesure de phagocyter complètement le FG, ce qui est peu probable.

4. Si 2017 est a priori réglé, qu’en sera-t-il de 2022 ?

Ayrault lui-même aura été cressono-raffarinisé. Il n’a de toute façon aucune base suffisante dans le parti (Olivier Faure… après avoir été lui-même quasiment la seule troupe de Jean Poperen…) et n’est pas assez charismatique.

Aubry sera peut-être un tantinet trop âgée et elle aura elle-même subi (peut-être) l’impopularité de Matignon. Mais elle pourrait quand même vouloir tenter sa chance, même si sa (alors) très longue carrière la desservira fortement. De surcroît, dans une primaire interne en 2021, elle subirait probablement le sort d’un Fabius 2006: le tour est passé…

– Dans la série de ceux qui ont laissé passer leur chance, Delanoë est évidemment à exclure: trop âgé, déjà à moitié retiré, trop nerveux et semblable à Sarkozy…
Je n’évoque pas non plus Fabius, qui finit sa carrière « à la Juppé », et guignera sûrement une place au Conseil constitutionnel.

– Il y a ensuite l’espoir médiatique qui aura « grandi » trop vite et qui est trop incontrôlable et trop peu auto-discipliné pour concourir avec quelque chance de réussite à une primaire: Montebourg. Par son écho médiatique, il sera encore dans le paysage, plus ou moins parasite, mais il est déjà « grillé », impuissant au poste qu’il réclamait, et isolé. Il se sera dévalorisé et ne pourra compter sur une base personnelle et fidèle forte. Mais qui a vraiment cru en lui ?…

– Le nom de Valls vient évidemment à l’esprit ensuite et il est clair qu’il fait partie de cette catégorie de politiciens ambitieux, méthodiques, tournés vers le seul objectif de la présidentielle. C’est clairement un matériau présidentiable. Mais il a une faiblesse majeure, celle d’être totalement déporté à la droite de son parti. Soyons cependant prudents: il peut tout à fait effectuer le parcours habituel en sens inverse: il endort d’abord ses ennemis et courtise déjà le centre, avant de revenir vers son électorat de base, pour le rassurer.
Reste que partir avec des bases internes à peine plus importantes que Bockel risque de lui poser nombre de problèmes sur le long chemin de la présidentielle.

– De ce point de vue, quelqu’un de mieux placé au sein de son camp et qui constitue également un matériau présidentiable (par son ambition, son positionnement personnel fort et, quant à lui, une base interne plus sérieuse – surtout si les aubrystes sont, ensuite, à récupérer), c’est bien Peillon. Ses sorties intempestives l’ont desservi, mais il est difficile de penser qu’il se soit simplement emballé…

Moscovici devrait normalement être rangé dans la catégorie des Valls et Peillon, mais il est trop « technocrate » pour espérer raisonnablement devenir Président (Juppé et Fabius y ont-il réussi ? Copé y réussira-t-il ?). De plus, s’il est ambitieux, voire arriviste, il a également un côté dilettante (bien caché à Bercy, où il réussit plutôt bien) qui ne demande qu’à resurgir. Et son passé strauss-kahnien (y compris, peut-être, sur un plan plus personnel) pourrait également le plomber quelque peu.
Il n’en reste pas moins que, appliqué et incontournable, il réussit mieux que Peillon tout en étant moins gênant pour Hollande que Valls: ce sera peut-être une force pour Mosco que de reprendre le courant hollandais défait en 2017 ou finissant dans un deuxième quinquennat sombre (pour les nostalgiques de leur cours à deux voix de Sciences-Po dans les années 1990, ce serait parfait ! :P).

Dans la génération suivante, les ailes sont vite brûlées, comme celles de Filippetti, décidément peu contrôlable et qui retrouve ses réflexes écolo-gauchistes et contestataires, alors qu’elle s’était bien embourgeoisée et modérée au cours de la campagne de Hollande, se créant une place non négligeable en peu de temps.
Vallaud-Belkacem est étouffée comme porte-parole officielle: ce paradoxe s’explique par le caractère ingrat d’être réduit à « la voix de son maître » et à la langue de bois officielle, creuse et lassante pour les médias et le public.
Hamon lui aussi est un peu étouffé par sa participation gouvernementale et son inclusion dans la Gross majorité du PS, alors qu’il aurait pu probablement dépasser les 35% contre Désir et devenir un vrai pôle d’opposition interne… Cela démontre toutefois son ambition, qui l’a amené à une prudence peut-être excessive.

– Pourtant, il faudra bien une femme… Touraine est trop « techno » et, bien que bonne ministre techniquement, ses talents politiques ne sont pas testés et elle pourrait bien ressembler à un Xavier Bertrand (comparaison certes audacieuse mais… :)) ou à un Bianco. Batho est probablement davantage à surveiller, car assez inflexible et ambitieuse, même si ses capacités intellectuelles propres semblent en retrait par rapport aux autres noms cités et si son expression, quelque peu vulgaire et relâchée méritera un coach…

– D’autres ministres qui pourront réussir techniquement n’ont bien entendu pas d’avenir présidentiel: Sapin, Le Foll, Le Drian (mais cela va devenir difficile pour lui quand les caisses seront vraiment vides et que les militaires en auront vraiment marre…)

Bref, un affrontement Valls-Peillon, avec des tentatives d’Aubry, de Moscovici, de Batho et d’Hamon, pourrait bien être le choix de 2021…

Projections pour le second tour: majorité socialiste absolue, groupe Vert, absence d’élus FN, possibilité de plusieurs solutions centristes, situation de l’UMP difficile pour l’avenir

1. En refaisant mes calculs avec l’esprit clair, voici les totaux auxquels je parviens:

PS 285
DVG 23
PRG 11
soit PS+DVG+PRG 319

EE-LV 19
FG 10
rég./ind. 3

MoDem 2

NC 16
PR-DVD 24
UMP 178
soit UMP+NC+PR+DVD 218

EXD 1

en attente 5
(en réalité, nous savons désormais que Guaino sera élu puisque le DVD Delaporte se désiste dans les Yvelines; qu’un DVD l’emportera dans le Morbihan; que Falorni pourrait bien battre Royal en Charente-Maritime puisqu’il a déposé sa candidature; reste la circo de Collard (2e Gard), probablement gagnée par le PS dans tous les cas de figure, même si l’UMP se retirait et même si je dois encore « re-triturer » les chiffres, et Wallis-et-Futuna, en balance entre un DVG et un PRG, avec avantage au premier;
certes, il y a aussi le candidat socialiste qui ne veut pas se désister face à Dosière dans l’Aisne, mais le PS national le désavoue;
et, dans le Vaucluse, face à la mini-Marion, la victoire de l’UMP reste probable malgré le maintien de la candidate PS, mais il y a désormais un vrai risque d’élection du FN -ce serait ironique de penser que le seul siège FN serait dû à une mauvaise volonté socialiste… nous verrons quel écho les médias, dans leur grande impartialité, en donneront…; il faut espérer que le PS national saura convaincre localement d’appliquer réellement le « front républicain » qu’ils manient tant pour mettre le bazar à droite…;
quant à la circo de Vauzelle, où le candidat UMP se retire, il n’y a aucun suspense sur la victoire du socialiste;
je pourrais en revanche ajouter l’incertitude dans la circo de Boulogne-Billancourt (Hauts-de-Seine), mais je maintiens le pronostic d’une victoire à l’arraché de Guéant).

J’actualiserai la carte et les totaux demain, une fois connus de manière certaine les candidatures.

Je suis fort aise que, progressivement, les projections en sièges des instituts se rapprochent de mon estimation de départ 😀 (en fait, je devrais plutôt m’en inquiéter…). 4 instituts ont réalisé des projections ce dimanche 10 juin. Voici, dans l’ordre, TNS-Sofres, CSA, IPSOS et OpinionWay, ce derneir ayant la particularité d’avoir interrogé 7090 personnes pour son sondage sortie des urnes !

FG 13-18 / 13-19 / 12-17 / 13-18
PS+PRG+MRC+DVG 285-320 / 283-329 / 288-324 / 293-323
(à noter qu’IPSOS donne un détail: PS-DVG 275-305, PRG 10-14, MRC 3-5
EE-LV 14-20 / 12-18 / 10-15 / 15-20
MoDem 0-3 / 0-3 / 0-3 / 0-2
UMP+NC+PR+DVD 220-260 / 210-263 / 224-261 / 218-248
(IPSOS donne le détail UMP+DVD 205-235, NC-AC 15-19, PR 4-7)
FN 0-3 / 0-3 / 0-2 / 0-2

Je constate que, après nous avoir farci de projections à 30 ou 35 sièges EE-LV avant le 1er tour, les instituts partent dans la tendance inverse…
Quand je vois MoDem jusqu’à 3, je me dis qu’OpinionWay est le seul fiable… C’est d’ailleurs celui qui a les fourchettes les plus resserrées. Et, incidemment, la plus basse pour la droite: évidemment, comme tout cela correspond mieux à mon propre pronostic, je préfère… 😉

2. Quels enseignements intermédiaires peut-on tirer du 1er tour ?

Le FG subit un revers qui n’était pas prévu. Il continue de se rétracter, perd toute représentation dans le grand Sud-Ouest ou en Rhône-Alpes. Il se maintient uniquement grâce à la banlieue nord de Paris et au Valenciennois… S’il peut espérer rallier deux députés de Martinique et de la Réunion (encore qu’Huguette Bello a quitté le PCR avec fracas), il lui manque quelques troupes pour avoir un groupe. Une alliance avec le MRC est peu probable et très peu de dissidents de gauche constituent des cibles potentielles. De même, le nationaliste corse qui pourrait être élu siègerait probablement chez les non-inscrits. Bien sûr, le PS pourra « donner l’ordre » à quelques DVG de s’apparenter au FG, mais la situation est difficile pour ce dernier, décapité qui plus est; le PS peut aussi accepter de baisser le seuil à 10 députés, mais ce serait proprement grotesque (pourquoi pas 2 au bout d’un moment ?). Le PCF doit souhaiter profondément reprendre une autonomie par rapport à Mélenchon, mais celui-ci lui fournit une aura pour la présidentielle: c’est un couple de perdants, mais les uns ont besoin des autres et réciproquement.
Dans ces conditions, il est peu probable que le FG et même le PCF seul participe au gouvernement: au moins, ils souhaiteront garder leur fonction tribunicienne et attendre l’échec des sociaux-bourgeois.

EE-LV a toutes les chances de pouvoir constituer un groupe, qui sera plus à gauche que ne le souhaiterait probablement la direction du parti et Duflot elle-même. Mais comme elle rend elle-même difficile son bail au gouvernement, ce ne devrait pas être pire, d’une certaine manière. Et comme le PS aura la majorité absolue à lui seul ou avec quelques appoints, cela ne devrait pas poser trop de difficultés. C’est plutôt aux élections intermédiaires que le maintien artificiel de groupes parlementaires et donc d’une visibilité plus importante que le poids réel des Verts fera sentir son effet pour le PS. Comme les Verts n’ont jamais été des gens loyaux et honnêtes, ils n’hésiteront pas à jouer les parasites et à engranger les déçus du hollandisme. Quand le PS assènera-t-il le coup de grâce à ce courant politique inutile et désordonné, qui ne lui apporte que des soucis ?

Le PRG et les DVG seront en revanche bien utiles au PS, qui n’hésitera pas à réintégrer les dissidents, à qui il peut dire merci, tant ils ont limité l’impact des « dons » faits aux Verts. Le PRG ne pourra constituer un groupe seul. Mais peut-être qu’avec les MRC et des « vieux » dissidents comme Dosière, il pourrait s’entendre et éviter d’être noyé dans la masse socialiste. Cela fera cependant peu de différences pour l’équilibre politique à l’Assemblée.

Le PS devrait donc avoir la majorité absolue à lui seul. La gauche ne devrait pas avoir la majorité des 3/5 au Congrès (encore que… il suffit d’un mauvais report FN à droite ou d’une démobilisation de 2 points supplémentaire et l’échec peut se transformer en déroute), mais elle aura, sinon, tous les leviers du pouvoir national et local. C’est agréable pour elle, mais cela peut être dangereux, surtout avec une « grande gueule » comme Mélenchon hors de l’Assemblée, une Aubry volontairement à l’extérieur (mais ne se déporte-t-elle pas trop ?), même un Montebourg affaibli si son ancienne circo de Saône-et-Loire bascule, comme c’est très possible: sans maîtrise de l’opposition de gauche, une évolution inspirée des autres pays méditerranéens pourrait attendre la gauche française.
Quant à la chute possible de la maison Royal, c’est plutôt une bonne nouvelle, car cela laisserait la voix libre à un hollandais marri (Le Roux, Vallini) ou à une Guigou bien sage et éviterait d’avoir une irritante Royal tentant de perturber l’agenda législatif. De ce point de vue, l’épopée de Falorni fait les affaires de Hollande… Certes, Ayrault vient soutenir Royal car il ne peut faire autrement, mais, à l’issue de ce 1er tour, c’est plutôt l’ennemi intime Aubry qui vient tenter de relancer Royal, tant elle sait que celle-ci sera plus « utile » à la tête de l’Assemblée pour affaiblir Hollande et Ayrault… Ah, les bonnes vieilles alliances objectives 😉
Plus largement, Hollande sort aussi renforcé politiquement par la très bonne tenue des ministres (il y a clairement eu une prime au fait d’être ministre: voir les scores de Batho, Cuvillier, Le Foll,… Vallaud-Belkacem a-t-elle eu raison de se dégonfler ?) et ne devrait pas être contraint de trop modifier l’architecture gouvernementale. Il manque toutefois curieusement un intitulé pour un gouvernement de gauche, c’est la Consommation: de manière cosmétique, quelques retouches pourraient ainsi être apportées à la liste des ministres. Les changements de fond, c’est-à-dire virer les incompétents et les inopportuns (Benguigui, Taubira, Duflot, à ce jour), cela ne peut pas déjà venir, car ce serait une atteinte précoce à la parité, à la diversité ou à l’équilibre politique. Quant aux déçus du 1er gouvernement, ils devront attendre et peuvent avoir des perspectives pour « patienter »: Le Roux au groupe à l’Assemblée, voire au perchoir, Vallini au perchoir, Rebsamen à Solférino.

– Au centre, le MoDem est désormais en voie de disparition. Que ce soit Lassalle ou le possible élu « surprise » à la Réunion devraient rejoindre l’un des groupes centristes de la nouvelle Assemblée. Bayrou terminera ainsi sa carrière dans une certaine indifférence.
En revanche, le centre-droit devrait être très « vivant » dans les semaines à venir, avec une absence totale de clarté sur les recompositions possibles. Je n’ai pas fait le tri entre PR, DVD modérés et DVD « durs » (Vendée ou F.X.Villain dans le Nord). Toutefois, le NC, qui est certes au-dessus de 15 seul, est tellement divisé qu’il ne faut pas s’attendre à la reconduction du groupe actuel: en conséquence, le PR pourra probablement jouer la carte d’un groupe ARES, d’autant plus si J.C.Lagarde crée la surprise d’être réélu en Seine-Saint-Denis, ce qui est loin d’être exclu et serait l’exploit politique de cette année, réellement (et cela énerverait tellement Morin que tout un chacun devrait souhaiter cette victoire de Lagarde… ;)).

L’UMP, contrairement à ce que dit la presse, ne limite pas la casse. Elle ne perd certes pas comme la gauche avait perdu en 1993, mais elle perd très nettement. Quelques ténors sont menacés: MAM, Morano, Chartier, Rosso-Debord,… X.Bertrand est un peu moins bien placé que prévu, même si cela devrait passer, et NKM est en position aussi délicate que prévu (même si Le Pen, à mon sens, l’aide en réalité plutôt en la désignant comme cible). L’ancienne circo de Juppé est une catastrophe et, surtout, Fillon fait un mauvais score à Paris, tout en « perdant » très nettement son ancienne circo de la Sarthe, qui s’est trouvé un nouveau fils adoptif (j’ai commis beaucoup d’erreurs localement, mais ce nouvel « effet » ne m’avait pas échappé). Copé (comme Wauquiez) réalise un bon score, à l’inverse. Même s’il n’est pas dit que cela ait un effet majeur en interne à l’UMP, ce sera utilisé par les copéistes (Dati ne s’en est pas privée dès lundi… débranchez-la, par pitié…).
Régionalement, l’UMP résiste mieux que prévu en Picardie, en Franche-Comté, voire en Bourgogne, mais elle dégringole dans le Languedoc-Roussillon, le Dauphiné et, encore, le Nord-Ouest et le Centre-Ouest: des grands chelems ne sont pas impossibles pour la gauche dans la Sarthe et l’Indre-et-Loire et quasi-assuré dans le Finistère; la situation de l’UMP est fâcheuse dans le Morbihan, en Loire-Atlantique, voire dans la Manche. Même dans le Loiret, il pourrait y avoir quelques déconvenues pour la droite. Des départements comme l’Isère, la Drôme, le Gard ou l’Hérault, que l’on pensait un peu plus équilibrés, reviennent à des traditions de gauche. Même le Vaucluse et les Bouches-du-Rhône sont très difficiles pour l’UMP. Certes, le FN y est pour beaucoup, mais on voit bien la fragilité structurelle de la droite, retrécie sur des bastions insuffisants (Var, Alpes-Maritimes, Alsace, Champagne, Haute-Savoie et Lyonnais rural.
Je me répète aussi en insistant sur l’érosion lente mais continue de l’UMP en Ile-de-France, fort handicapante. Et dans les villes d’importance, que va-t-il lui rester, à part Nice ? Bordeaux, Marseille, Perpignan, Strasbourg, même Orléans… il recule partout

Le FN n’aura probablement pas d’élu, car Le Pen devra faire face à un « plafond de verre » infranchissable pour elle. Quant à Collard, s’il est le mieux placé pour gagner, il reste douteux qu’il y parvienne. D’une certaine manière, après Collard, c’est dans le nord-est de Marseille que le FN a ses meilleures chances, face à une Andrieux entravée par les « affaires ». Au final, seul Bompard devrait être élu pour l’extrême-droite.

– La situation de l’outre-mer montre de grandes situations d’instabilité, notamment à Mayotte et à la Réunion, mais aussi dans le Pacifique. Toutefois, la gauche est ultra-dominante et, dans le Pacifique, c’est le triomphe d’une droite très locale et qui ne dit pas complètement son nom, l’UMP étant affaibli, même en Nouvelle-Calédonie.
La Corse est elle aussi sens dessus dessous et il est bien difficile d’anticiper les scores et reports des nationalistes et autonomistes.

– Reste l’inconnue de la mobilisation du 2nd tour:
une plus forte abstention des électeurs du FN ou un découragement encore supérieur des électeurs de droite et le risque d’une majorité des 3/5 au Congrès (il faudrait au moins 376 députés à la gauche, en considérant que Bel a été élu avec 179 voix au Sénat) serait réel;
une démobilisation à gauche car tout semble joué (et l’est effectivement en ce qui concerne le rapport global gauche-droite) et le PS peut perdre sa majorité absolue seul.

Néanmoins, les partis et bon nombre d’électeurs sont désormais prévenus de ce type de « mouvements » possibles, et il y a en quelque sorte des phénomènes de « stabilisateurs automatiques ». Pour la dernière fois, vivement dimanche…

Sociologie électorale simplifiée de la présidentielle et composition du gouvernement Ayrault I: les difficultés et la faiblesse de Hollande seront apparentes plus rapidement qu’envisagé

1. Je commence en recommandant une fois de plus la lecture des blogs de Gael L’Hermine. Il vient de publier sa propre analyse politique, sociologique et cartographique du second tour, avec des constats qui ne surprendront pas les lecteurs du présent blog mais qui rentrent dans un détail cantonal et communal sans égal et absolument passionnant (http://welections.wordpress.com/2012/05/16/france-2012-runof/). L’anglais n’est pas insurmontable, je pense, et cela vaut vraiment la peine de faire un petit effort pour ceux qui n’auraient pas un niveau fluent 😉

2. Les premiers temps de la présidence Hollande et la composition du premier gouvernement Ayrault sont pour moi l’occasion de souligner les faiblesses et les difficultés auxquelles cette présidence va se heurter et ce, beaucoup plus vite que prévu.

Je n’aborderai que les aspects purement politiques: je ne reviens pas sur la conjoncture, qui est mauvaise, ce qui était loin d’être le cas en 1988 et 1997, où la gauche a bénéficié à chaque fois d’une « chance » incroyable en matière de croissance (dilapidée, surtout en 1997-2000, par les excellents Jospin, DSK et Aubry…).

Nous avions déjà vu que la victoire de Hollande, qui entrait dans la catégorie « étriquée » selon la classification effectuée par l’intéressé lui-même, pouvait être porteuse de déception à gauche. Construite essentiellement sur l’anti-sarkozysme (très habilement sur le plan tactique à travers la « normalité », comme je l’ai souligné à moult reprises, mais avec un net essoufflement avec le temps), elle ne fut pas large et, à juste raison, d’aucuns ont pu se demander si, à droite, un candidat plus consensuel, tout en étant capable d’attirer sur ses deux ailes (j’ai dit Fillon ?), n’aurait pas pu lui souffler la victoire. Même si je n’y crois pas car le dynamisme de campagne de Sarkozy a dû aussi jouer, grâce à un effet GOTV (get out the vote), ou de mobilisation si vous préférez, qu’un autre (j’ai dit Fillon ?) n’aurait peut-être pas été capable de mettre en oeuvre aussi efficacement. Mais, bémol au bémol, il est vrai que la campagne de Sarkozy a été un joyeux bazar, avec finalement peu de relais locaux, si ce n’est le travail « classique » effectué par l’UMP sur ordre de Copé.

Dès le lendemain de l’élection, Martine Aubry est venue contrecarrer tout enthousiasme hollandais. Elle a fermement confirmé que Bayrou serait confronté à une candidate socialiste. Aujourd’hui, elle annonce qu’une candidate aubryste est investie dans la 1e circonscription de la Somme, au détriment de Faouzi Lamdaoui, l’un des lieutenants les plus proches de Hollande, déjà éconduit à l’automne dernier d’une circonsciption des Français de l’étranger au profit de l’aubryste Pouria Amirshahi. La guerre de positions a donc repris comme avant et les courants sont plus que jamais là (au moins, l’UMP sait ce qui l’attend désormais…).

Et voilà qu’Aubry n’est pas du premier gouvernement Ayrault. Marion « Marine » Le Pen y voit un règlement de comptes de la part de Hollande et je crois qu’elle se trompe lourdement. Nous verrons bien si, dans les jours qui viennent, des « offs » paraissent dans la presse disant qu’on avait tout propsoé à Aubry, mais qu’elle a refusé et qu’elle est « infernale »: peut-être, là, pourra-t-on y voir une manoeuvre hollandaise.

Mais je pense plutôt qu’Aubry a refusé. Plutôt que d’avoir un titre ronflant, mais aucun ministère régalien ou économico-financier, plutôt, donc, que d’être ligotée à un poste secondaire dans le gouvernement de Sa Majesté, elle préfère clairement être son opposition intérieure, en quelque sorte, libre de ses mouvements.

Certes, elle a dit dans le passé qu’elle ne voulait pas « rempiler » à la tête du PS. Mais si elle change d’avis, qui pourra lui contester la place ? Seul Delanoë serait en mesure de le faire, mais serait-il vraiment un allié de Hollande ? Comme Hollande a par avance dit qu’il n’y aurait plus de « courroie de transmission » systématique entre Elysée et parti, voici venu le temps de la « cohabitation » entre majorité présidentielle, majorité parlementaire et parti majoritaire de mêmes bords… (je suis assez énervé que Copé ait dit peu ou prou cela aujourd’hui car j’avais pensé à l’expression avant)

On peut comprendre le ressentiment de Martine Aubry, qui voit lui échapper et l’Elysée et Matignon, alors qu’elle se pensait meilleure pour battre Sarkozy et qu’elle voit deux personnages apparemment falots, toujours dans la synthèse et le compromis et jamais ministres lui passer devant. La partie sera très rude pour Hollande,
– parce qu’Aubry garde son alliance avec Fabius et qu’elle bénéficiera du soutien de la gauche du PS,
– parce qu’elle contrôle relativement bien l’appareil du PS (Lamy, Borgel, Bartolone, Cambadélis, Hamon, Hammadi, Bachelay, Paul etc., tous aubrystes anciens ou ralliés et peu représentés au gouvernement; seul Harlem Désir peut se « rebeller » au sein de l’appareil, peut-être),
– parce que Mélenchon est affaibli et le sera encore davantage après sa défaite aux législatives et qu’elle pourra donc plus facilement prendre la place du héraut des classes populaires,
– parce qu’elle est en bons termes avec les appareils PCF et Verts.

En outre, Hollande n’est pas Mitterrand, contrairement à ce que l’on veut nous faire croire. Pour avoir la maîtrise manoeuvrière de l’ancien Président, il faut un peu plus de « bouteille » ou de maestria personnelle. Certes, Hollande a essayé de joeur au sphinx les derniers temps, mais Aubry vient de lui dire « zut » comme Rocard n’a jamais été en mesure de le faire entre 1980 et 1995.

Rocard « grillé » pour la candidature fin 1980 ? Mitterrand le musèle ensuite en le prenant à l’intérieur du gouvernement, comme ministre d’Etat mais seulement du plan, et en veillant à ne pas lui laisser de contre-pouvoir.
Rocard en premier-ministrable « raisonnable » en 1984 ? Mitterrand promeut un jeune converti à la modération et au profil encore plus technocratique et « expert » que Rocard (Fabius), tout en gardant Rocard au gouvernement (ministre de l’Agriculture), celui-ci ne pouvant trouver mieux que le prétexte de la proportionnelle (même s’il avait entièrement raison, car Mitterrand a mis le FN à l’Assemblée) pour se sortir de ce guêpier.
Rocard envisagé comme candidat de rechange en 1987 et une majorité législative non assurée en 1988 ? Mitterrand s’en sert comme Premier ministre et tente de le pressurer au maximum (malheureusement pour Mitterrand, Rocard reste populaire et il doit le « débarquer » sans raison en 1991), tout en veillant, encore, à ne pas le laisser prendre le parti.
Rocard en futur recours pour 1995 et, finalement, premier secrétaire par défaut du parti ? Mitterrand active Fabius en interne au PS, Mélenchon sur la liste Rocard des Européennes et Tapie en externe aux mêmes Européennes de 1994 pour le torpiller définitivement.

Hollande est bien loin de cette méthode face à sa rivale. J’ai eu l’occasion d’écrire qu’il ne fallait à aucun prix laisser Martine Aubry à l’extérieur du gouvernement. Certes, il a peut-être été trop gourmande, mais, quitte à sacrifier des fidèles, pourquoi ne pas lui donner quelque chose de satisfaisant pour elle ?

3. Ensuite et plus largement, Hollande rate le rassemblement de tous les socialistes, comme Mitterrand l’avait fait en 1981 en nommant Mauroy Premier ministre, Defferre, Chevènement, Delors, Rocard au gouvernement. Ayrault n’est que la copie de Hollande à Matignon ou, en tous les cas, un… « collaborateur » (mais oui, Hollande fait du Sarkozy, ici… ou, à la  rigueur, pour Matignon seulement, comme Chirac en 1995: on a vu avec quel succès électoral), quelqu’un qui ne lui fera pas d’ombre mais qui n’apporte aucun complément politique réel (et la vaste plaisanterie de l’allemand ne tient pas: jamais aucun Premier ministre, hors cohabitation, n’a jamais négocié avec les chanceliers allemands… on rêve… et toute la presse, même de droite, de reprendre le cliché…).

Bien sûr, Hollande a réussi, dès octobre 2011, le ralliement de Montebourg, mais c’est davantage ce dernier, par rejet d’Aubry, qui l’a rejoint, que le contraire.
Mais peut-il réellement compter sur la gauche du parti ? C’est évidemment douteux, car Montebourg n’en est pas du tout le porte-parole.
A-t-il rallié tout le camp delanoïste ? Le positionnement réel de Delanoë reste une énigme à ce jour. Il n’est pas sûr que l’ambitieux Delanoë n’ait pas d’autres visées et son échec de 2008 doit encore lui peser, lui qui doit penser qu’il aurait pu être la « surprise » de 2012. Quant à Harlem Désir, sa patience a des limites. Et si Hollande ne veut pas laisser échapper le PS, il fera forcément des déçus chez les delanoïstes; il est vrai qu’il ne lui reste plus de grosse pointure hollandaise à imposer… sauf… Rebsamen ! Et même si c’est Aubry qui reste, ni Delanoë, ni Désir ne pourront être satisfaits.
A-t-il suffisamment gagné sur l’ancienne troupe strauss-kahnienne ? Valls n’est que l’aile droite, Moscovici apparaît bien isolé, Cambadélis, Le Guen, Dray ne se sont jamais véritablement convertis et ils ont un pouvoir de nuisance. Même une Sandrine Mazetier n’est pas retenue (plus « à gauche » qu’à « droite », justement).
Contrôle-t-il suffisamment les quadras-quinquas Valls, Moscovici, Peillon, Montebourg ?
Aux aubrystes frustrés, cités plus haut (Paul, Borgel, Bartolone, Cambadélis, Hammadi, Bachelay), il faut ajouter Guigou, Rossignol, Hazan, pourtant femmes mais retoquées du gouvernement, ainsi que Destot, « grillé » par Fioraso.

Si Hollande n’a pas commis l’erreur de Sarkozy en 2007, qui avait vraiment sacrifié les sarkozystes (pour ne promouvoir que les moins bons d’entre eux ensuite: Morano, Lefebvre), il a au contraire très lourdement favorisé les hollandais, historiques comme ralliés. Les royalistes sont largement présents et ceux des strauss-kahniens qui sont là sont plutôt ceux « de droite » (« Mosco » et non « Camba »). Enfin, les delanoïstes intégrés ne sont que des seconds couteaux ou des soutiens de circonstance.
– Sur 34 membres, je compte 30 socialistes. Sur ces 30, 23 sont des hollandais, historiques ou ralliés.
– Parmi les hollandais ralliés, on compte 6 ex-royalistes, « superficiels » (Peillon, Filippetti; Valls était aussi dans cette catégorie, mais il y a prescription…) ou plus « profonds » (Vallaud-Belkacem, Batho, Bertinotti, Delaunay), 6 strauss-kahniens de droite (Valls , Moscovici, Touraine, Bricq, Cahuzac, Cazeneuve), 6 delanoïstes « estampillés » (Pau-Langevin, Benguigui) ou « de circonstance » (Fioraso, plutôt rocardienne car grenobloise, dans la tradition de Mendès et Dubedout; Carlotti, « multi-appartenante »; Lurel, épisodiquement royaliste; Cuvillier, surtout baron local). Ce qui laisse 5 hollandais historiques (Sapin, Le Drian, Le Foll, Arif -delano-compatible pendant longtemps, Pellerin -bien que d’histoire très récente…).
– On ne compte donc que 7 représentants de la gauche du PS, dont 2 aubrystes fidèles (Lebranchu et Lamy, probablement là pour espionner, davantage que pour compenser l’absence de la patronne…), 1 montebourgeois (Montebourg lui-même !), 2 fabiusiens (Fabius, Fourneyron), 2 gauchistes (Hamon, Vidalies).
– Certes, Taubira peut être comptée parmi les montebourgeois; mais Duflot est probablement prête à tout, Pinel est l’âme damnée de Baylet et donc acquise à Hollande. En outre, Montebourg lui-même ne sera-t-il pas plus hollandais que gauchiste ?

Au final, on peut dire qu’il s’agit d’un gouvernement de… primaire socialiste !!! Et on peut prévoir des temps difficiles dans la famille socialiste. En termes politiques.

Car, techniquement, le gouvernement est correct. Certes, il y a cette horreur des intitulés ridicules: de ce point de vue, je vous conseille la lecture du Journal Officiel dans les jours qui viennent, car la réalité d’un portefeuille ministériel, ce n’est pas le soir de la nomination, mais deux ou trois jours plus tard, quand les décrets affectant les directions des ministères à tel ou tel ministre (parfois en binôme, voire plus…) sont sortis; c’est là que l’on voit qui s’est imposé ou non. Ainsi, la « réussite éducative », ce doit être tout simplement l’apprentissage, la formation professionnelle et, peut-être l’enseignement technique; le « redressement productif », c’est juste l’industrie, les PME, le commerce et l’artisanat (c’est-à-dire pas grand-chose administrativement); l' »égalité des territoires », c’est juste l’aménagement du territoire (peanuts) et la ville; le « dialogue social », c’est juste pour faire chic, car le travail inclut déjà le dialogue social. En revanche, je suis abasourdi (et ravi) que le terme stupide de « solidarité(s) » ait été omis et qu’il ne reste que les bonnes vieilles « affaires sociales »: un oubli indigne d’un gouvernement socialiste !

Certains conflits de compétences sont à prévoir: Fioraso contre Montebourg-Pellerin sur recherche et innovation; Le Foll contre Bricq-Cuvillier sur la pêche et contre Bricq et Touraine sur l’alimentation; Montebourg contre Bricq sur l’énergie; Valls contre Batho sur les prisons; Lebranchu contre Duflot… Mais rien là que de très classique…

J’en profite pour me décerner quelques fleurs: Mosco à Bercy et Sapin au travail, je l’envisageais dès le mois de mars comme solution alternative et je l’avais adoptée récemment; tous les commentateurs ont semblé surpris… bingo! 😉 Lebranchu était bien vue également de ma part, car peu évoquée à cette place
J’avais bien intégré les Carlotti, Pau-Langevin, Bricq, Pellerin, qui n’étaient pas évidentes, même si, avec Vallaud-Belkacem, il faut un peu faire les chaises musicales. Je n’aurais pas dû renoncer à Cahuzac.
Je suis déçu d’avoir négligé les Lamy, Arif, Vidalies, Bertinotti, mais il fallait bien trancher.
Je n’avais en revanche pas du tout envisagé Fioraso (probablement un très bon choix de fond, une excellente surprise), Delaunay (une catastrophe intégrale: j’avais refusé de l’imaginer) et Pinel (malgré le fait que ce n’est qu’une apparatchik PRG, protégée de Baylet et pas vraiment grande technicienne, sa nomination est une grande subtilité politique, que je m’en veux de ne pas avoir vu: enfin un choix digne de Mitterrand ! :P).
Mais, Pinel, avec Cuvillier, Benguigui et Canfin, qui les avait envisagés ?!? Cuvillier, cela aurait dû être devinable par d’excellents experts du PS, mais, évidemment, j’avais opté pour Poignant (une grosse déception :().

N’oublions pas qu’il n’y a pas de secrétaires d’Etat (à la différence des ministres délégués, ils n’assistent pas à tous les conseils des ministres). Encore une chance de rattraper quelques socialistes. Mais en même temps, s’il faut caser les communistes et le PG seulement sur des secrétariats d’Etat, cela va faire grincer quelques dents… Et il ne restera plus grand-chose pour les aubrystes et la gauche du PS…

4. Enfin, sur la forme, que ce soit à l’égard de Sarkozy ou à l’égard de Merkel, la première journée de Hollande a été un peu « dure », un peu « cassante » et ne place pas sa présidence sous le signe du rassemblement ou de l’assurance tranquille face à l’adversité. On sent, soit comme une difficulté à sortir de la campagne (peut-être parce qu’il est trop « politique » et que c’était « son » moment), soit comme une volonté de contrebalancer l’image de mou et d’indécis et l’absence criante d’expérience ministérielle et internationale en en rajoutant dans le côté ferme. Mais cela donne l’impression soit d’une « gauchisation » surprenante, soit d’une peur sourde de la suite. L’anti-sarkozysme continuera de fonctionner jusqu’aux législatives, c’est vrai et c’est sûrement utile de profiter encore de l’effet d’entraînement de la présidentielle, mais le sillage va bientôt se dissoudre et cette écume ne pourra longtemps porter le skieur nautique Hollande…

Son discours sur Jules Ferry (personne ne l’a forcé à le faire), avec tous ces bémols stupides sur la « faute morale » et les « égarements politiques » du grand républicain (c’est de l’Histoire dont on parle, coco, pas un jugement sur un personnage que toi-même tu nous donnes comme symbole…), tout cela pour faire plaisir aux polémistes gauchisants et à la bien-pensance médiatique, montrent une surprenante anticipation de toute attaque qui pourrait surgir. Ce n’est franchement pas une preuve de grande force intérieure, ni de grande force politique.

Il rate donc l’aspect « rassemblement », aussi au gouvernement: 30 socialistes, 2 radicaux de gauche et 2 Verts. Pour ces deux derniers, c’est la portion congrue: Duflot est à peine plus puissante que Boutin en 2007…
Même si c’est plutôt une onne idée sur le fond, personne de la société civile.
Pas de communistes ou d’ex-communistes (Hue, Braouezec,…).
Pas de centristes, même de « faux » centristes (Robert Rochefort avait l’air déçu ce soir, pas forcément pour lui-même mais pour tout le MoDem).
C’est très monocolore et cela va finir par se voir, même si le combat législatif peut justifier un pack resserré. Ou pas, car on pourrait argumenter qu’il aurait mieux valu mobiliser tout le monde et balayer large.

5. Il y a justement le risque des législatives, ou plus exactement de la future Assemblée.

Bien entendu, des éléments viennent au renfort indirect de Hollande:
la déception mélenchonienne a un avantage de court terme: le PG se raidit et pollue les discussions PCF-PS, ce qui devrait réduire le nombre de candidatures uniques de premier tour,
Bayrou, désormais supplétif de Hollande et manifestement inquiet pour sa propre réélection, appelle à rejeter la cohabitation et trouve que Hollande est en mesure de pratiquer l’élargissement nécessaire,
– il fait peu de doute que la droite se sortira mal des législatives, parce que l’actualité européenne n’aura pas le temps de la « porter » (élection en Grèce le 17 juin seulement, sommet européen quelque peu différé), parce que les Français ne veulent pas d’une cohabitation et parce que, comme je l’ai écrit, son aile modérée risque de perdre davantage que son aile dure, permettant par la suite à Hollande à la fois de remobiliser sur sa gauche et de récupérer sur la forme le discours centriste,
– l’unité de l’UMP est un combat de tous les instants jusqu’au 17 juin à 20h01 et la bataille de l’automne entre Fillon et Copé s’annonce sanglante,
– le choix d’Ayrault a un avantage: celui d’avoir à disposition un (autre) expert de la synthèse et du compromis et un vrai connaisseur du Parlement et des parlementaires, en même temps qu’un orateur et rhétoricien expérimenté (le contact de Jean Poperen a servi à quelque chose…).

En revanche, tout n’est pas favorable au nouveau Président.

J’ai déjà pu me « lâcher » sur la stupidité de l’accord avec EE-LV. Il est clair qu’il risque bien de coûter la majorité absolue au PS.
Il n’y a pas non plus d’enthousiasme particulier pour Hollande à gauche et, s’il a gagné « au centre », c’est peut-être seulement par défaut. Car, avec une campagne « au peuple », Sarkozy n’était pas très loin de l’exploit. Ma classification un peu artificielle et mon pronostic d’une victoire « au centre », comme en 1988, doivent être relativisés, car la question de la France du « non » reste entière.
Le FN devrait de nouveau faire un bon score, malgré un tassement probable, ce qui sera négatif pour l’UMP mais ne peut réjouir le PS, notamment dans le Nord-Pas-de-Calais, la Picardie, les Ardennes, le Languedoc-Roussillon, les Bouches-du-Rhône, voire la vallée de la Garonne, la Haute-Normandie ou la Lorraine.

Enfin, les députés PS seront peut-être dominés par les aubrystes, fabiusiens, hamoniens, strauss-kahniens de gauche, etc. N’oublions pas que Aubry, Lamy et Borgel ont veillé aux investitures… Cela se verra avec la présidence du groupe, que Bruno Le Roux va peut-être avoir du mal à reprendre.

6. Les difficultés électorales vont peut-être commencer assez rapidement, pas tellement par poussée de la droite, mais par progressive déception de l’électorat anti-sarkozyste. C’est un peu ce que suggère la sociologie électorale du second tour de la présidentielle, à travers les sondages « jour du vote » ou « sorties des urnes » (ou même « dernier week-end » dans le cas d’IPSOS…).

Ces sondages ne fournissent aucune surprise majeure, tant en matière de clivages gauche-droite que d’évolutions « à contrepied » déjà remarquées en réalité depuis 2005, voire depuis 1995. La géographie nous donnait déjà une image similaire à 2007, tout en étant plus classique, avec l’effacement de Bayrou (dont les électeurs sont, pour une partie, revenus à gauche au 1er tour et, pour une autre partie, retombés à droite au 2nd, le reste retrouvant l’abstention habituelle tout au long du processus).

Hollande peut trouver une satisfaction, tant dans son score « décevant » que dans la géographie que nous avons vue: la droite n’a pas réglé le problème du FN et la stratégie Buisson-Hortefeux n’a pas été invalidée. D’une certaine manière, le score de Sarkozy peut être embarrassant et « trop » élevé… même si Raffarin tente de faire du judo et de dire que, justement, c’est Sarkozy qui a fait perdre les 2 points qui manquaient…

Hollande peut aussi se réjouir de sa force en Ile-de-France, dans les zones urbaines dynamiques, bref dans les zones et parmi les électorats qui « font » les médias et la pensée dominante, ainsi que dans beaucoup de zones démographiquement dynamiques (Nord-Ouest, Sud-Ouest).

Mais ses motifs de satisfaction sont fragiles et le « peuple » n’est manifestement pas emballé. Qu’on en juge.

– Selon le sexe, peu de différence, même si les femmes sont légèrement moins à gauche… Selon l’âge, le tableau est plus flou: les plus de 65 ans sont fortement sarkozystes, sans surprise (41/59 pour TNS-Sofres, 45/55 pour IFOP – IPSOS ne donne que les plus de 60 ans: 41/59); les « baby-boomers » sont logiquement soixante-huitards et hollandais (62/38 chez les 50-64 pour TNS-Sofres et 56/44 pour IFOP; 55/45 chez les 45-55 ans pour IPSOS), ce qui est une vraie force à terme, dans la mesure où les « vieux » se mobilisent davantage, mais qui peut s’amenuiser avec la « dérive » conservatrice observée avec l’âge. C’est moins favorable pour Hollande chez les électeurs d’âge moyen, ce qui constitue une vraie faiblesse pour l’avenir: 49/51 chez les 35-49 ans pour TNS-Sofres et 50/50 pour IFOP ou 53/47 chez les 35-44 pour IPSOS. Les jeunes, souvent étudiants ou chômeurs, n’ont pas suivi Sarkozy: 56/44 chez TNS-Sofres, 57/43 chez IFOP et même 62/38 chez IPSOS. En revanche, c’est incertain pour les plus jeunes: 47/53 chez les 18-24 pour TNS-Sofres, 54/46 pour IFOP et 57/43 pour IPSOS.

Selon le revenu et selon la pratique religieuse, rien de plus banal: plus on est riche, plus on vote à droite; plus on pratique sa religion (sauf pour les musulmans et avec une absence de données pour les protestants), plus on est à droite. Les sans religion votent à gauche, même si pas autant que par le passé (la sécularisation est passée par là, détruisant la France catholique mais rendant aussi plus « moyens » les sans religion).

– Selon la CSP, les résultats sont peu surprenants mais méritent d’être pris avec précaution (car les instituts ne ventilent pas suffisamment précisément et n’ont pas les mêmes références) et mériteraient d’être fouillés davantage.
Les commerçants-artisans-chefs d’entreprise sont l’électorat fort de Sarkozy: 20/80 chez TNS-Sofres, 33/67 chez IFOP (mais apparemment sans les chefs d’entreprise), 30/70 chez IPSOS.
Les professions libérales et cadres supérieurs sont à 56/44 chez IFOP, 52/48 chez IPSOS (mais ce sont les cadres « tout court ») et les cadres et professions intellectuelles sont à 51/49 chez TNS-Sofres. Ici, il faudrait évidemment pouvoir distinguer les professions libérales des autres, les cadres supérieurs et cadres moyens et, surtout, les salariés du public des salariés du privé. Les profs, chercheurs, journalistes restent de gauche; les cadres supérieurs sont devenus plus à gauche que les cadres moyens; les professions libérales restent à droite, malgré des infidélités chez les médecins (et la particularité des praticiens hospitaliers).
Les professions intermédiaires ont basculé à gauche nettement et c’est là la faiblesse majeure de la droite: Wauquiez l’a bien diagnostiqué, l’UMP a perdu ce coeur des classes moyennes: 58/42 chez TNS-Sofres, 57/43 chez IFOP, 61/39 chez IPSOS. C’est la bonne nouvelle pour Hollande mais elle est fragile car il sera difficile de les satisfaire.
Les employés sont à 54/46 chez TNS-Sofres, 52/48 chez IFOP et 57/43 chez IPSOS: ce n’est pas aussi massif que cela pourrait l’être pour la gauche, qui a donc du pain sur la planche, car le FN peut ici progresser, comme l’abstention, voire, un peu, la droite, en ricochet.
Le constat est similaire chez les ouvriers: 56/44 chez TNS-Sofres, 57/43 chez IFOP, 58/42 chez IPSOS: c’est évidemment net pour Hollande, mais cela ne devrait-il pas être « soviétique » comme score ? Là encore, attention au FN et à l’abstention en 2017…
Les retraités sont à 48/52 chez IFOP et 43/57 chez IPSOS, mais seulement à 51/49 chez TNS-Sofres qui les regroupe avec les autres inactifs (chômeurs, étudiants), ce qui fausse le résultat. Sinon, c’est une catégorie forte pour l’UMP, mais pas aussi écrasante que prévu, ce qui explique aussi l’échec de Sarkozy.

– Sur le secteur d’activité, la césure est nette mais sans surprise: 69/31 chez les salariés du public selon TNS-Sofres, 63/37 pour IFOP, 65/35 pour IPSOS. Avec la rigueur, les désillusions seront peut-être fortes pour la gauche…
Chez les salariés du privé, c’est plus équilibré: 46/54 pour TNS-Sofres, 52/48 pour IFOP, 53/47 pour IPSOS.
La droite se rattrape évidemment chez ceux qui travaillent à leur compte, les indépendants et employeurs: 31/69 selon TNS-Sofres, 40/60 selon IFOP et 39/61 selon IPSOS.

– Selon le diplôme, le constat est plus éclaté mais, grosso modo, la gauche est forte aux deux extrémités, chez les sans diplôme et chez les très diplômés (elle progresse au fur et à mesure du nombre d’années après le bac). Chez les détenteurs de BEP, CAP et du seul Bac, c’est équilibré ou Sarkozy l’emporte.

– Chez les abstentionnistes et ceux qui ont voté blanc ou nul au 1er tour, Sarkozy mène 67/33 selon TNS-Sofres. Chez les « sans parti », il mène 55/45 pour IFOP et IPSOS. Clairement, sa stature l’a servi, au dernier moment. Bien sûr, Hollande aura pu en acquérir une en 2017. Mais face à un Fillon, l’avantage sera annulé.
Parmi les électeurs se déclarant proches du MoDem, Sarkozy, malgré sa « dérive droitière », est à 57/43 pour TNS-Sofres, 52/48 pour IFOP et 61/39 pour IPSOS. Certes, on ne sait plsu trop ce qu’est cet électorat ni s’il existera en 2017, mais il est clair que le choix personnel de Bayrou n’est pas suivi majoritairement et que le centre-droit reviendra dans sa famille d’origine pour peu que Copé de poursuive pas la ligne Hortefeux-Buisson ou qu’un autre le supplante.
Parmi les électeurs se disant proches du FN, Sarkozy est à 82/18 selon TNS-Sofres et IPSOS et 80/20 selon IFOP . Il y a probablement eu de ladésaffection pour sArkozy sur l’électorat Le Pen « élargi », mais sur ceux qui acceptent de se dire « proches du FN » (un noyau plus réduit mais plus fidèle et plus « votant »), Sarkozy était dominant. Un Fillon pourrait-il y garder un tel avantage ?

Ma conclusion personnelle: allez Martine ! Allez Angela ! 😉

Quel gouvernement pour un François Hollande président ?

Je l’ai dit, la campagne est quelque peu décevante en termes de suspense (et en termes de perspective pour les malheureux qui soutiennent la droite et le centre-droit…) et les geeks et autres nerds de la politique politicienne, dont je suis, sont un peu sur leur faim… Alors, je réclame votre bienveillance pour cet article de spéculation politique pure, qui sort un peu de notre sujet: il faut bien se distraire ! 😉

François Hollande s’est créé deux contraintes, en se soumettant à l’air du temps: il veut respecter la parité et veut afficher une certaine diversité dans son équipe gouvernementale. « Spontanément », baigné dans l’Elysée mitterrandien, il aurait sûrement opté pour la solution « années 1980 »: d’abord un équilibre politique (au sein du PS et au sein de la gauche), ensuite un équilibre géographique, enfin quelques effets cosmétiques (société civile, femmes, ouverture au centre et à droite).

C’est dur car il faut aussi faire un peu de place aux Verts et au Front de Gauche. C’est délicat pour le FG, car Mélenchon lui-même ne semble pas vouloir (et pourtant, ses « services rendus » à Hollande sont éminents au cours de cette campagne) et, sinon, seuls des communistes peuvent décemment être intégrés. C’est inévitable pour les Verts, alors même que les socialistes -grave erreur stratégique étant donné le caractère incontrôlable et inflexible des Verts (de véritables Khmers, oui, sur le fond comme en négociations boutiquières)- leur ont déjà fait une place nettement surévaluée au Sénat et dans les investitures législatives (heureusement que de braves dissidents socialistes, sous des étiquettes « divers gauche », compenseront un peu cette générosité vraiement déplacée au regard du sérieux limité de ce mouvement.

On peut au moins espérer qu’Hollande ne se croira pas obligé de faire une place à la sempiternelle « société civile ». Evidemment, il faut aussi penser aux différentes tendances du PS, d’autant plus après les amertumes rentrées de la primaire (essentiellement chez les aubrystes, les fabiusiens, les strauss-kahniens de gauche et les delanoïstes ayant raté le coche).

Bref, une seule solution: adopter un gouvernement aux dimensions mitterrandiennes, c’est-à-dire pléthorique, au-delà des 40 membres, avec des secrétaires d’Etat pour le moindre sous-secteur 😛 Autant pour l’affichage de la « rigueur » en réduisant le nombre de portefeuilles (encore une lubie médiatique et populiste peu fondée)…

N’attendons rien du côté des Français, dont les choix sont d’une banalité confondante, basés sur le passé et sur le name-recognition (la notoriété): dans un récent sondage BVA pour L’Express, France Inter et Orange (réalisé les 9 et 10 février sur un échantillon de 1045), Aubry arrivait en tête des Premiers ministres potentiels (50%), loin devant Moscovici (17%), Fabius (11%), Ayrault (10% ce qui est finalement un bon score pour quelqu’un d’assez falot) et Sapin (9% ce qui n’est pas si mal non plus).
Le même sondage, à droite, en cas de victoire de Sarkozy, plaçait Juppé à 42%, Fillon à 32%, Borloo à 13%, Copé à 8% (une impopularité décidément tenace: Hollande 2017 a de beaux jours devant lui…) et Bertrand à 5%.

Voici donc la solution que je propose, en tenant compte des contraintes imposées et en commençant par des positions tout aussi essentielles que les maroquins ministériels:

Président du Sénat: Jean-Pierre Bel
(ça, c’est déjà réglé)
Présidente du groupe PS au Sénat: Catherine Tasca
(elle avait raté le « plateau » face à Bel, elle se consolera et conciliera parité et expérience sénatoriale)
Présidente de l’Assemblée Nationale: Ségolène Royal
(si Hollande gagne le 6 mai, il est probable qu’une vague favorable porte la candidate officielle et que sa législative, qui s’annonce a priori vraiment difficile à La Rochelle, se terminera bien; donc, la solution du « perchoir » est idéale pour l’éloigner tout en la flattant, comme Chirac avait « casé » l’incontrôlable Séguin en son temps)
Présidente du groupe PS à l’Assemblée Nationale: Elisabeth Guigou
(ce poste est presque plus important pour contrôler l’ordre du jour et faire désigner une femme expérimentée et connaisseuse du fonctionnement parlementaire ne peut qu’être favorable face à Royal, pour brider celle-ci…)
Premier secrétaire du PS: Bertrand Delanoë
(il faut bien lui faire une place quelque part, de peur qu’il ne devienne une opposition interne gênante, à force de rater les « trains »; cela permet en outre d’éviter l’émergence de non-hollandais difficiles à gérer au sein du PS: Cambadélis, Hamon, Bartolone; son caractère exécrable se retournera en interne contre ceux-ci et son positionnement central évitera trop de remue-ménage de l’aile Emmanuelli-Hamon-Lienemann-Hammadi; et pour 2017, il sera déjà trop vieux, ou même, d’ici là, aura pu être remplacé par Moscovici ou un autre, afin de préparer le successeur de Hollande…)

Premier ministre: Pierre Moscovici
(bien entendu, ce choix conditionne tous les autres: Bercy et Solférino en particulier; mais il s’agit là de la logique même: un -relativement- fidèle, bon technicien, ayant déjà une expérience ministérielle et capable de mener l’équipe, ayant une expérience de la machine administrative aussi, car le début du mandat doit être vite « utile »; il sera bien temps, ensuite, de prendre un Premier ministre plus « politique », plus à gauche, plus à droite, plus « vert » en fonction des nécessités de l’approche de 2017, des résultats des élections locales ou de la volonté d’user un(e) ennemi(e) politique comme Aubry)
(Aubry créerait une impression d’attelage à deux têtes et la faiblesse de caractère de Hollande serait de nouveau à l’ordre du jour; pourtant, elle semble tenir la corde, mais ce serait vraiment une erreur de la part de Hollande ou bien son premier renoncement, tout simplement; Valérie Trierweiler le tolèrera-t-elle ? déjà qu’il faudra supporter la reprise de poids, déjà naissante et qui explosera à partir de mai… :P)
(Fabius a longtemps été un ennemi juré de Hollande et l’affrontement de 2005 sur le référendum reste très prégnant; mais, évidemment, l’expérience peut séduire, surtout avec un Elyséen novice; mais le même problème d’attelage à deux têtes se poserait)
(Ayrault n’a jamais été ministre: à la fois un Président et un PM jamais ministres, cela serait un peu bizarre… même s’il a l’avantage de n’être pas marqué par un courant du PS particulier – qui se souvient qu’il était poperéniste ? :P)
(Sapin n’a pas le charisme et l’autorité suffisants pour habiter Matignon, ni vis-à-vis des médias, ni à l’égard des ministres)

Ministre d’Etat, ministre des Affaires étrangères et européennes: Laurent Fabius
(l’avoir en dehors du gouvernement, c’est s’exposer à une forte opposition « interne »; l’avoir au-dedans, c’est le contrôler; au Quai d’Orsay, son « souverainisme » tardif sera bridé et, de toute façon, la politique européenne est faite à l’Elysée et à Bercy; enfin, à l’étranger, il sera à peu près crédible et il faut évidemment à ce gouvernement quelques apports d’expérience…)

Ministre d’Etat, garde des sceaux, ministre de la Justice: Martine Aubry
(c’est difficile de la « caser »: elle ne veut plus rester au PS; elle avait évoqué la Culture, mais c’est un peu secondaire; elle serait trop encombrante et « rebelle » à Bercy; Place Vendôme, elle a un portefeuille prestigieux, sans être au coeur de la machine économico-financière; un titre de ministre d’Etat et le tour est joué)

Ministre de l’Economie et des finances: Michel Sapin
(il est prêt, il sera fidèle et il sera un bon exécutant)

Ministre de l’Intérieur, de la sécurité, de l’outre-mer et des collectivités locales: François Rebsamen
(fidèle, bon connaisseur de la chose locale et intéressé par les questions de sécurité, il sera moins flamboyant et propice aux dérapages que Valls; quant à Batho ou Urvoas, ils sont trop « tendres » pour être déjà propulsés si haut)

Ministre de la Défense: Jean-Yves Le Drian
(ami de l’époque des « transcourants » deloristes, même si plus rocardien pour ce qui le concerne, Le Drian s’impose, les autres spécialistes du sujet au PS ayant dépassé la limite d’âge…)

Ministre de l’Industrie, de la production et de l’énergie: Arnaud Montebourg
(il faut absolument l’avoir à l’intérieur du gouvernement pour le ficeler, de peur qu’il soit, sinon, incontrôlable; la Justice, ce serait trop risqué si l’on en juge par son zèle en interne au PS…; l’Industrie paraît un bon compromis, en ajoutant le mot « production » pour faire tendance: il ne pourra pas vraiment mettre en place la démondialisation mais ne pourra pas dire qu’il n’est pas aux premières loges; quant à l’Energie, cela permet de le mettre en opposition directe avec les Verts et de faire « porter le fer » sur ce sujet délicat entre Mélenchon et le PCF par un socialiste « à gauche »; vraiment, que des avantages ;))

Ministre de l’Education nationale et de la recherche: Vincent Peillon
(il a failli rater le « train » de l’alternance et a sagement rallié le camp Hollande à temps; il est médiatiquement habile sur un sujet difficile et apaisera les syndicats enseignants; il pourra utilement contenir Montebourg sur le sujet « à cheval » de la recherche)

Ministre du Plan, de l’aménagement du territoire et de la ville, porte-parole du gouvernement: Manuel Valls
(à part l’Intérieur, où le placer ? Peu évident car il n’est pas un poids lourd de premier ordre tout en étant incontournable; autant, donc, donner cette fonction prospective à un modéré -tout en ressuscitant le Plan, cher à la vieille gauche- et lui confier le sujet de la ville qu’il connaît, même avec un titre de ministre plein, ce qui lui laissera le temps de maîtriser aussi la parole gouvernementale)
(on remarquera la subtile hiérarchie proocolaire Montebour/Peillon/Valls… « par ordre d’apparition » ;D)

Ministre du Travail et de l’emploi: Jean-Marc Ayrault
(à partir du moment où il n’est ni à l’Assemblée, ni à Matignon, ni place Beauvau, il faut bien lui trouver quelque chose: ses talents de négociateur et d’équilibriste au sein du groupe PS conviendraient bien à la négociation avec les syndicats; son image traditionnelle de gauche serait plus rasurante que celle d’un Valls)

Ministre de l’Environnement, du développement durable et de l’équipement: Cécile Duflot
(il faut bien faire une place à EE-LV; Duflot, si elle a prudemment évité une candidature présidentielle quasiment toujours synonyme d’échec, se réserve probablement pour un avenir ministériel; elle manoeuvre très bien, mais ne peut quand même être en position d’exiger mieux et devra se contenter du ministère de NKM, donc sans l’énergie, la pêche ou l’alimentation; avec Duflot et Placé en responsabilités, EE-LV sera calmé pour un moment, le précédent Voynet le prouve bien; Duflot coche également les cases « parité » et « renouvellement »)

Ministre des Affaires sociales et de la solidarité: Marisol Touraine
(même si elle s’est davantage fait remarquer sur les retraites, son champ s’est élargi; il faut de toute façon des femmes et une modérée, bonne technicienne et consciente des contraintes budgétaires sera à sa place)

Ministre de l’Agriculture, de la pêche et de l’alimentation: Stéphane Le Foll
(parfois sacrifié, ce fidèle devrait avoir une place au gouvernement; ayant une expérience européenne et souhaitant défier le successeur de François Fillon dans une circonscription plutôt rurale de la Sarthe, il serait à sa place; le strauss-kahnisme trop zélé de François Patriat l’a quelque peu disqualifié pour entrer dans le gouvernement)

Ministre de la Culture et de la communication: Aurélie Filippetti
(elle coche également les cases « parité » et « renouvellement »; elle permettra de calmer indirectement les ardeurs fiscales de son compagnon Thomas Piketty -ah, les délices du pouvoir et de l’embourgeoisement… encore qu’il faut se méfier des absolutistes… mais il semble que cette ancienne Verte rigide se soit beaucoup assouplie… son passé vert évite aussi de devoir trop ouvrir à EE-LV; et, enfin, le redécoupage des circonscriptions en Moselle est problématique pour elle)

Ministre de la Jeunesse et des sports: Valérie Fourneyron
(la parité, toujours la parité et elle s’est spécialisée dans le sujet, au point d’éclipser Safia Otokoré, qui aurait pourtant ajouté la dimension « diversité »; mais c’est bien aussi d’avoir des « barons locaux », maires de grandes villes: il y en a tellement à « récompenser »…)

Ministre délégué auprès du Premier ministre, chargé de la Fonction publique et de la réforme de l’Etat: Christian Paul
(un Nivernais ne peut être soupçonné d’être anti-fonction publique; pourtant, sa bonne connaissance du sujet, sa fermeté et ses idées pourraient lui permettre de faire les économies que même (surtout?) un gouvernement de gauche ne manquera pas de faire sur cet électorat captif, qui se laissera « tondre » sans trop regimber…)

Ministre délégué auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement: Bruno Le Roux
(le domaine de la sécurité est déjà bien occupé; en outre, ce fidèle et bon connaisseur des mécaniques parlementaires comme du PS paraît bien outillé pour calmer les ardeurs royalistes ou des aubrystes frustrés depuis les assemblées)

Ministre déléguée auprès du ministre des Affaires étrangères, chargée des Affaires européennes: Catherine Trautmann
(la parité et une technicité indéniable, un choix classique à défaut d’être original)

Ministre déléguée auprès du ministre des Affaires étrangères, chargée de la Coopération, du développement et de la francophonie: Christiane Taubira
(le PRG, doit émarger au gouvernement; c’est une femme et c’est la diversité; sa présence à l’outre-mer serait trop convenue; l’envoyer à l’étranger peut être préférable, mais si elle pourrait déraper; mais elle sera tellement heureuse d’avoir un maroquin qu’elle se tiendra probablement très bien… pas de dérive à la Jean-Pierre Cot! Et puis, la francophonie, cela lui va très bien, de fait)

Ministre délégué auprès du ministre de l’Economie et des finances, chargé du Budget: Jérôme Cahuzac
(il est préférable de ne pas en faire un ministre plein, car il a montré qu’il pouvait déraper; mais sa bonne connaissance de la mécanique parlementaire est indispensable)

Ministre déléguée auprès du ministre de l’Intérieur, chargée des Collectivités locales: Marylise Lebranchu
(la fidèle d’Aubry doit être « casée »; son entregent de notable sera utile pour faire passer des réformes et des économies qui risquent dêtre encore plus douloureuses que le sarkozysme centralisateur: on ne châtie bien que ce que l’on aime bien et Hollande aime les collectivités socialistes dirigées par des « barons » qui n’oseront pas protester en allant à l’abattoir…)

Ministre délégué auprès du ministre de l’Intérieur, chargé de l’Outre-mer: Victorin Lurel
(le DOMien de service, qui a acquis une assise forte et est relativement incontournable pour ce poste)

Ministre délégué auprès du ministre de l’Education nationale, chargé de l’Enseignement supérieur et de la recherche: Alain Rousset
(le président de l’ARF est évidemment ministrable et sa modération, sa modernité et sa technicité le désignent pour le poste; peut-être espère-t-il mieux, mais il faut bien commencer et les postes de ministre plein sont rares)

Ministre délégué auprès du ministre du Travail, chargé de la Formation professionnelle: Benoît Hamon
(même remarque: il a sûrement de grandes ambitions, mais il n’a jamais été qu’un porte-parole; jamais député, jamais élu local d’importance; il doit faire ses preuves et se « blanchir »; en même temps, il doit faire partie du gouvernement, pour qu’il la « ferme » enfin…)

Ministre délégué auprès du ministre de l’Environnement, chargé des Transports: Robert Hue
(il faut bien un peu de communiste ou d’ex-communiste; Hue est un homme sage, il ne peut faire de mal; Roland Ries ou d’autres maires de grandes villes attendront des jours meilleurs)

Ministre délégué auprès du ministre de l’Environnement, chargé du Logement: Thierry Repentin
(c’est le spécialiste maison si je puis dire; inutile de s’embarrasser d’hésitations sur un sujet sensible et qui demande du temps)

Ministre délégué auprès du ministre des Affaires sociales, chargé de la Santé: Jean-Marie Le Guen
(spécialiste, réaliste strauss-kahnien, prêt aux « coupes », il n’est pas non plus mauvais qu’il ne soit pas sur le devant de la scène, pour des raisons d’ego)

Secrétaire d’Etat auprès du ministre de l’Economie et des finances, chargée du Commerce, de l’artisanat, des PME et des professions libérales: Delphine Batho
(le secteur de la sécurité est déjà « pris »; en même temps, on ne peut se priver d’une femme et d’une jeune; son terrain d’élection en périphérie de Niort n’est pas mauvais pour ce portefeuille et puis avoir une « sécuritaire » pour un électorat de droite, c’est plutôt bien joué)

Secrétaire d’Etat auprès du ministre de l’Economie et des finances, chargé de la Consommation et de la concurrence: Yannick Jadot
(difficile de se limiter à Duflot pour EE-LV; et le consommateur, dimension essentielle de l’électeur, se sentira bien défendu avec cet ancien « activiste »)

Secrétaire d’Etat auprès du ministre de l’Economie et des finances, chargée du Commerce extérieur: Nicole Bricq
(un portefeuille peu utile mais que personne n’ose jamais supprimer, pour une ancienne chevènementiste et une femme impliquée)

Secrétaire d’Etat auprès du ministre de l’Economie et des finances, chargé du Tourisme: André Chassaigne
(il faut un peu de communistes et celui-ci est populaire et montrera une volonté de voir le tourisme sous l’angle rural et de la « France d’en bas »; et puis, c’est un portefeuille sans pouvoir, bien suffisant pour les « alliés »…)

Secrétaire d’Etat auprès du ministre de la Défense, chargé des Anciens combattants: Bernard Cazeneuve
(le porte-parole surprise n’aura pas démérité pendant la campagne et il faut lui trouver un maroquin à consonnance militaire)

Secrétaire d’Etat auprès du ministre de l’Industrie, chargée des Télécommunications et de l’économie numérique: Fleur Pellerin
(il faut faire jeune et branché, comme disait Mitterrand… alors une jeune, femme, de la diversité mais asiatique -ce qui permet de changer un peu- , ce sera très bien dans le décor…)

Secrétaire d’Etat auprès du ministre de l’Environnement, chargé de la Mer: Bernard Poignant
(toujours frustré d’expérience ministérielle, ce rocardien hollandisé sera très bien dans un rôle consistant surtout à rassurer les gens de mer)

Secrétaire d’Etat auprès du ministre des Affaires sociales, chargée de la Famille et des personnes handicapées: Sandrine Mazetier
(une strauss-kahnienne de gauche, femme, jeune, parisienne -il y en a peu jusque-là et la capitale ne saurait être oubliée- c’est un profil utile)

Secrétaire d’Etat auprès du ministre des Affaires sociales, chargée des Personnes âgées et de la dépendance: Marie-Arlette Carlotti
(les Marseillais sont peu nombreux… il en faut, pourtant: une femme, c’est encore mieux, pour occuper un sujet laissé en friche par Sarkozy et sur lequel il ne faut pas oublier les futurs vieux, qui seront peut-être plus à gauche que ceux d’aujourd’hui…)

Secrétaire d’Etat auprès du ministre des Affaires sociales, chargée des Droits des femmes: George Pau-Langevin
(une femme, élue à Paris, issue de la « diversité », marquée à gauche et laïcarde: le bon casting pour un portefeuille purement électoraliste)

Secrétaire d’Etat auprès du ministre des Affaires sociales, chargée de l’Economie sociale: Laurence Rossignol
(un grand « truc » de la gauche, ça: cela fait plaisir à un électorat très, très fidèle d’associatifs, de bénévoles, de « gentils », qui drainent beaucoup d’électeurs: c’est vraiment un secteur à cultiver… et une femme, aubryste et très à gauche, c’est parfait…)

Secrétaire d’Etat auprès du ministre de la Jeunesse et des Sports, chargée de la Jeunesse et de la vie associative: Najat Vallaud-Belkacem
(in-con-tour-na-ble: jeune, « beurette », femme, pas bête, photogénique, maîtrisée, que demander de plus pour un secteur -l’éducation populaire et le monde associatif- hautement gauchisé et à cultiver pour tout le public drainé; en outre, contrebalancer les Dati et Yade, moins subtiles, est un bon objectif; elle pouvait peut-être espérer mieux, mais il faut bien commencer)  

Bien entendu, cela laisse beaucoup de recalés, comme il y avait eu les sarkozystes fidèles déçus: Vallini (mais où le positionner si ce n’est à la justice ? question de patience), Gorce (trop insaisissable), Destot, Bartolone, Lamy, Hazan (mais d’aubrystes, point trop n’en faut), Cambadélis (mais de possibles casseroles et un strauss-kahnisme trop suspect permettent utilement de l’évincer…), Dray (voir, en partie, Cambadélis), Désir (c’est ennuyeux car il ne serait pas non plus à Solférino, mais il a l’habitude de patienter), Arif (encore de la diversité delanoïste, mais ce sera pour une prochaine fois), Collomb (trop dérangeant et encombrant), Huchon (après tout, il a déjà son lieu de pouvoir), Ries (la fois suivante, promis), Garot (jeune, mais il y a déjà suffisamment de royalistes recasés; « passez un tour »), Hidalgo (bon, c’est vrai, une femme, cela ferait monter le quota, mais elle doit se préparer pour la mairie de Paris, un « gros lot » que le PS ne peut laisser échapper et faire glisser Delanoë à Solférino implique de la laisser à Paris), Hammadi (jeune, « minorité visible », mais décidément trop polémique et désagréable), les Marseillais et les Nordistes (bon…passons…). Laurent, Braouezec ou Cochet peuvent également être déçus, mais les communistes, Verts et rouges-verts ne doivent pas empêcher de récompenser les « roses » depuis si longtemps frustrés…

L’équilibre géographique n’est pas parfait, mais le PS est très déséquilibré vers l’Ouest, ce n’est donc pas illogique de retrouver ce phénomène ici. L’ouverture politique aux autres formations est faible, mais les places sont chères et les socialistes attendent depuis 10 ans, voire davantage pour certains (Ayrault, Peillon,… Hollande !). Quant à l' »ouverture » à la Mitterrand 88 ou à la Sarkozy 07, elle n’est pas politiquement utile (Bayrou va atteindre l’âge de la retraite et le MoDem se diluera; l’UMP se déchirera bien toute seule; les ralliements à un autre camp paraissent bien déconsidérés aujourd’hui; la majorité parlementaire sera suffisante avec la gauche).

Au final, je ne suis pas mécontent de cette liste ;). Sur la forme, s’entend !

Si vous voulez vraiment mettre Aubry à Matignon, Mosco peut glisser à Bercy et Sapin place Vendôme. Et si Fabius va à Matignon, Mosco peut aller au Quai d’Orsay. Cela ne bouleverse pas trop la construction d’ensemble…

Je répète qu’il ne s’agit là que d’une pure spéculation, pas du tout d’un souhait… et si j’ai écrit au futur de l’indicatif, c’est uniquement par commodité…

Haut les coeurs, cette spéculation ne sera peut-être qu’une mauvaise… plaisanterie 😉

Après avoir donné satisfaction à Antonio en publiant des graphiques sur le second tour, classé par institut, je me consacrerai à essayer de dessiner les futures tendances et réorganisations de la droite. Ce sera encore plus spéculatif parce que, malheureusement, sous la Ve République, ce genre de grands chambardements arrivent peu souvent et sont en général fort décevants…