L’UMP de 2012 à 2017 et à 2022: des alternatives limitées de leadership dans un paysage lourd de nombreuses hypothèques

1. Alors que ce blog fête son premier anniversaire 🙂 et que la campagne officielle pour la présidence de l’UMP s’est ouverte le 5 octobre 2012, quelles sont les perspectives pour le parti de la droite républicaine et pour son leadership?

En premier lieu, rappelons quelques éléments sur l’évolution institutionnelle récente de la France, qui ne feront que s’accentuer avec le temps, quels que soient les appels à la « normalité » ou à la régénération de la démocratie entendus ici ou là.

La France s’est présidentialisée et c’est une tendance lourde.
Le quinquennat a fait du Président le seul leader de la majorité, la dichotomie entre majorité présidentielle et majorité parlementaire relevant désormais de la simple hypothèse d’école pour constitutionnaliste imaginatif. Cette présidentialisation n’est pas propre à la France et touche même les régimes… parlementaires. La pratique du pouvoir de Blair ou de Berlusconi a été présidentielle, comme celle de Harper, de Schröder ou d’autres.
La médiatisation a entraîné une personnalisation de la politique qui se porte en premier lieu sur le Président et non sur son Premier ministre, simplement nommé et facilement révocable. Cette personnalisation influe fortement sur la structure politique même, y compris dans des régimes parlementaires normalement plus dépendants des partis: la personne même de Merkel « sauve » la CDU dans un contexte de progression, mais de division et de faible leadership, des gauches allemandes; l’identité de Monti suffit à stabiliser (temporairement) le paysage politique italien, voire à le recomposer à moyen terme; c’est le débat Rutte-Samsom qui a structuré le résultat des dernières législatives néerlandaises, dans un pays pourtant affecté d’un « régime des partis » et d’un paysage éclaté depuis fort longtemps; face à Cameron, seul atout (avant Boris Johnson?) des Tories, le Labour n’a qu’un petit obstacle avant de revenir triomphalement au pouvoir, son leader Ed Miliband; les travaillistes australiens ont remplacé Rudd par Gillard pour le seul motif de l’image personnelle;…
La demande d’action personnelle d’un chef n’était pas tant liée que cela à Sarkozy: elle est liée à la modernité (une société avec moins de corps intermédiaires et habituée à l’immédiateté et à l’impatience), à la médiatisation, à la personnalisation et Hollande commence de comprendre que la « normalité » dilettante ou même (version plus sérieuse et plus mitterrandienne) la distance byzantine ne peuvent plus avoir cours. Alors, « lui Président », il organise une visite hautement médiatisée et « surprise » à Echirolles…

La France s’est américanisée, en ce sens que son mode de fonctionnement politique (le cycle électoral et les affrontements de leadership) se rapproche de celui des Etats-Unis. Le calendrier politique s’organise autour de la présidentielle, avec des élections locales, européennes ou sénatoriales qui jouent le rôle de midterms.
Il s’agit encore de personnalisation.
Mais il s’agit également d’histoires personnelles, d’étapes dans un parcours, d’influence des médias et des sondages (le climat et la dynamique), de consumérisme politique et électoral (revirements d’opinion rapides, en particulier).

La France s’est « médiatisée », ce qui a renforcé la présidentialisation et a accompagné l’américanisation, mais a aussi entraîné une moindre importance des structures partisanes (Bayrou ou Villepin ont existé malgré tout) et des succès électoraux locaux (qui n’ont pas permis à Royal de vaincre en 2007) et une plus grande importance des positionnements relatifs et personnels et des problématiques d’image (le racisme anti-Blancs en est un exemple récent: reproché à Copé, il ne dérange pas chez Vallaud-Belkacem; peu importe ce que l’on dit, ce qui compte c’est quand on le dit et par rapport à qui, voire où et avec quelle présentation d’ensemble), c’est-à-dire du marketing.

2. Sur ce paysage de fond, viennent s’agréger plusieurs hypothèques majeures pour la droite républicaine, dont elle ne parviendra pas à se libérer facilement, ne les ayant toujours pas résolues.

– La moindre d’entre elles, c’est l’indépendance du centre et du centre-droit.
Bien entendu, Bayrou est politiquement mort et ses grotesques rodomontades face à Borloo ne visent, à la manière d’un Villepin, qu’à se persuader que l’on est encore vivant, alors même que les membres (Vanlerenberghe, Azière, avant sûrement Artigue ou d’autres) commencent à se détacher du tronc désormais sans vie (Sarnez, Gourault).
En revanche, après l’échec de l’ARES et l’incapacité de Borloo à incarner le centre-droit à la présidentielle, celui-ci a enfin « réussi » (c’est presque un oxymore d’associer ce mot à Borloo… très barriste ou séguiniste du point de vue de la « réussite » politique…) à agglomérer le centre-droit. Tout cela est bien sûr fort timide et fragile et ne se fait que par défaut, parce que tous les petits chefs ont unanimement conclu qu’il n’y avait pas d’autre tête connue (c’est ce que Maurice Leroy avait dit, en parlant du seul leader connu du Français de la rue…). L’UDI n’est qu’une UDF en réduction, sans la force historique (au sens de leurs immédiats et plus lointains prédécesseurs, qui remontaient à 1945, voire aux années 1920) et idéologique du CDS et du PR, qui étaient les deux piliers de l’UDF. Aujourd’hui et après la scission du NC, le parti radical apparaît presque comme la force majeure de l’UDI, c’est dire… De plus, aucun centriste ou modéré de l’UMP n’est venu rejoindre l’UDI, pas même les députés UMP qui se sont apparentés à son groupe: que ce soit pour finir une carrière (Méhaignerie, voire Juppé – qui était potentiellement le Barre ou le Balladur de 2012 dans les sondages de 2011), pour retrouver de l’air et des marges de manoeuvre (Léonetti, voire Raffarin) ou pour être le borgne chez les aveugles (Jouanno, NKM, voire Wauquiez).
Malgré tout, même s’il est piquant de voir le radicalisme laïcard succéder à la démocratie-chrétienne molle dans ce rôle (après la parenthèse personnelle Bayrou), l’UDI reprendra probablement l’étiage centriste de 8-10%, celui des élections européennes de 1989 avec Veil ou de 1999, 2004 et 2009 avec Bayrou ou celui de Borloo dans les quelques sondages présidentiels l’intégrant en 2011.
La fin du MoDem va se traduire par un report de 3 points d’électeurs de centre-gauche soit vers un PS moscovicisé ou vallsisé, soit vers l’abstention; par un retour de 3 points vers l’abstention; par un report de 3 points vers l’UDI. Non seulement l’UDI est viable et va donc pouvoir grignoter sur l’UMP, mais le PS va récupérer quelques points sur les ruines du MoDem. Certes, cela peut être compensé (dans l’ouest par exemple), par un retour d’électeurs au centre-droit, après un passage par un PS local rocardisé, mais ce sera relativement marginal et, de toute façon, ne profitera pas à l’UMP.
Ainsi, l’UDI peut être un handicap lourd pour l’UMP au 1er tour d’une présidentielle, avec le risque d’un « 21 avril à l’envers ». De ce point de vue, la victoire de Copé à la tête de l’UMP aggraverait les choses, car il perdrait forcément des électeurs qui se reporteraient sur l’UDI plus facilement.

– De manière liée (le fameux étau qui enserrait Sarkozy entre extrême-droite et centre, avec des pertes d’un côté dès que l’on penche de l’autre), l’hypothèque la plus lourde est évidemment la question lancinante du FN.
Le positionnement actuel de Copé, qui reprend celui de Sarkozy, est-il le bon ? En bref, Sarkozy a-t-il « presque gagné » ou a-t-il « quand même perdu » en mai 2012 ?
Toujours pas réglée, cette question sera encore plus aiguë au fur et à mesure de l’avancée du quinquennat et Hollande s’en servira d’autant plus qu’il pourrait bien ne plus lui rester que cela pour espérer être réélu en 2017.
La crise persistante et l’austérité vont évidemment conforter le FN (pas forcément le faire augmenter, mais en tous les cas consolider sa base de départ).
La pseudo-dédiabolisation (les idées sont les mêmes, mais l’emballage a été renouvelé) pose un problème encore plus grave à l’UMP, puisque les médias semblent présenter Le Pen comme « acceptable », tout en mettant une forte pression sur l’UMP et sa tentation d’alliance avec le Mal.
La dose de proportionnelle envisagée par Hollande ne pourra que rendre encore plus délicat le retour au pouvoir de l’UMP et sera utilisée comme Mitterrand avait su le faire en 2005-2006. De manière accessoire, le futur mode de scrutin pour désigner les conseillers généraux (départementaux ?) pourrait recréer les mêmes débats délétères pour l’UMP dans les départements où il aura besoin de voix du FN pour s’imposer ou espérer s’imposer (Ain, Vaucluse, Loire, Oise, Somme, Aisne, Moselle viennent à l’esprit).
Le « précédent Sarkozy » renforce encore le poids du FN: se délester de sa menace impliquerait forcément de coller à un positionnement « dur » et, en plus, cela n’aurait pas tant nui que cela à Sarkozy en 2012 puisqu’il n’aurait pas été battu si nettement que cela, disent les soutiens de la droitisation.
Bref, mutatis mutandis, l’UMP est confronté au même problème que l’establishment du GOP, sous la pression persistante du Tea Party, qui les oblige à se déporter sur la droite et entretient des débats internes qui affaiblissent le parti. L’effet négatif se sent non seulement pour la présidentielle, mais aussi pour les élections « locales » (en incluant les sénatoriales pour ce qui est des Etats-Unis: voir, par exemple, l’Indiana où le GOP va peut-être perdre un siège à cause du candidat Tea Party qui a triomphé aux primaires): ainsi, les municipales de 2014 s’annoncent déjà fort difficiles pour l’UMP.

Car les municipales se joueront médiatiquement sur les grandes villes, où le PS restera structurellement et sociologiquement fort (Paris et Lyon sont ingagnables pour l’UMP, tandis que Marseille, Nancy, voire Perpignan, Le Havre, Orléans ou Bordeaux, pourraient basculer, avec un Gaudin en bout de course et un Juppé talonné par Feltesse, qui arrive « à point », et que l’UMP ne peut guère espérer reprendre que Metz ou, très éventuellement, Strasbourg, mais rien n’est moins sûr car l’UMP a peu de bons candidats – ce qui fait que des villes comme Caen, Amiens, Montpellier ou Reims, qui devraient être « retournables », ne le seront pas). Les éventuels succès de l’UMP dans des villes moyennes ne se verront pas ou seront masqués par quelques cas problématiques liés à la présence du FN (autour de l’étang de Berre, dans le Vaucluse ou dans le Gard). En outre, malgré les déboires hollandais, l’attachement des Français à la dépense locale (une vraie drogue…) les rend fort réceptifs au socialisme local et n’a pas encore entraîné de révolte fiscale.

– La trosième hypothèque, sur laquelle l’UMP a peu de prise et qu’elle n’a pas résolue à ce jour, c’est l’éventuel retour de Sarkozy.
Soyons clair: la tentative du retour est certaine, je l’ai toujours dit (c’est dans son sang… et puis, l’instinct de revanche…). La réussite du retour est en revanche très peu probable.
D’abord, l’excitation actuelle s’éteindra aussi vite qu’elle est venue: elle est une manifestation supplémentaire des emballements médiatiques de plus plus en nombreux que nous subissons; elle est aussi une conséquence de la vacance actuelle du pouvoir à l’UMP et de la faiblesse du PS, une partie de la gauche recherchant son « meilleur ennemi » pour se remobiliser et se « comparer »…
Dans le même ordre d’idées, Sarkozy continuera de vieillir et le renouvellement à gauche (le gouvernement n’est pas au mieux, mais, au moins, il y a des visages nouveaux -au moins aux yeux des Français, même si Peillon ou Mosco ne sont plus vraiment des perdreaux de l’année) comme à droite (derrière Fillon ou Copé et à côté d’eux, la nouvelle génération va prendre les premiers rôles) va le ringardiser et le faire apparaître comme un has been à la Chirac d’après 2002.
Ensuite, l’une ou l’autre des « affaires » finira bien par produire un résultat rédhibitoire pour Sarkozy.
Sa personnalité n’a pas changé et ne changera pas et ce qui l’a fait rejeter le fera échouer à l’avenir. De manière connexe, l’électorat de droite finira par comprendre (comme c’est un peu le cas avec Copé, semble-t-il) que la gauche n’attend que cela: un retour du « grand méchant loup » qui lui permettrait de se remobiliser et de gagner par défaut. N’oublions pas qu’aux Etats-Unis, les élections ne se gagnent plus forcément en convaincant les indécis, mais encore davantage en mobilisant le plus possible les convaincus de son camp…
Enfin, politiquement, les habitudes des acteurs vont changer une fois que l’UMP aura un nouveau chef (si tant est qu’il assume pleinement son rôle). Les structures et responsables locaux seront renouvelés, les réalignements s’effectueront (voir Baroin ou Estrosi rejoindre Fillon est déjà un premier exemple des recompositions qui peuvent s’opérer).

Cependant, ce retour raté de Sarkozy ne se fera pas tout de suite et, même destiné à échouer, ce retour constituera un élément de perturbation pour la droite et continuera de « plomber » le futur président de l’UMP en laissant planer un doute forcément affaiblissant pour son autorité.
Cette perturbation sera moins forte si Fillon ou Copé gagne largement (à plus de 60%, Sarkozy est fini). Si la victoire est entre 55 et 59%, ce sera insuffisant pour dissiper le doute. Si cela se joue à moins de 55%, alors le président de l’UMP sera réellement affaibli et les divisions internes qui perdureront (guérilla de Copé contre Fillon, en particulier) pourraient avoir raison de l’unité de l’UMP.
Plus précisément, si Copé gagne de manière étriquée, Sarkozy se sentira plus fort pour revenir, mais la concurrence Sarkozy-Copé à venir risquera de déporter l’UMP tellement à droite qu’elle pourrait bien se scinder.
Si Fillon gagne de manière étriquée, Copé servira de sapeur pour Sarkozy, qui se sentira d’autant plus fort qu’il connaît les faiblesses personnelles de Fillon et n’hésitera pas à l’attaquer méchamment, personnellement et directement: ce serait le meilleur cas de figure pour Sarkozy. Ce serait aussi la pire des situations pour l’UMP, qui pourrait alors tellement se déchirer que sa présence au 2nd tour de 2017 serait rien moins qu’assurée.

3. Pour 2017, l’éventail des possibles est forcément limité, quoi qu’en disent les médias en s’ébrouant de plaisir devant les quelques signaux de NKM ou en se repaissant de la candeur des annonces de Bertrand. En réalité, comme aux Etats-Unis, l’emballement, dès le lendemain d’une présidentielle (voire bien avant…), pour de multiples candidats potentiels à l’élection suivante, voire à celle d’après, retombe bien souvent et, finalement, ce sont les poids lourds « évidents » qui l’emportent, même avec difficulté: Kerry ou Romney en sont de bons exemples.

Ainsi, en 2017, cela se jouera entre Fillon, Copé et Sarkozy.
Je viens de dire la conviction que ce dernier n’y parviendrait pas. La pratique américaine est qu’un sortant (président ou vice-président, d’ailleurs) battu ne peut plus retenter sa chance. Certes, on trouvera toujours des exceptions (Nixon). Mais la tendance semble bien lourde d’une « ouverture » au niveau des primaires et d’un retour à l’impératif d’efficacité au niveau de l’élection proprement dite. Ainsi, Romney a plutôt bénéficié de sa campagne des primaires de 2008, plutôt réussie, et de son ralliement « à point » à McCain (suffisamment tard pour montrer sa propre force, suffisamment tôt pour ne pas pénaliser son propre camp, ce qu’avait fait en partie Huckabee); malgré la droitisation du GOP, il a quand même réussi à être le candidate, largement sur la base d’un critère: il serait le plus apte à battre Obama.
Or, quel que soit l’attachement du militant de droite à la culture du chef, la volonté de gagner est la plus forte et c’est ce qui devrait exclure la solution Sarkozy.

C’est aussi la raison pour laquelle Fillon est le mieux placé. Il est le candidat « attrape-tout », celui le plus en mesure de récupérer le centre-droit et le centre sans faire fuir les électeurs du FN.
Le récent sondage CSA pour i-Télé et Atlantico.fr (2-3 octobre 2012 auprès de 1002 personnes dont 860 inscrits) mesurait le potentiel électoral dans une confrontation de second tour avec Hollande. A la question de savoir si les personnes interrogées pourraient voter pour lui, il a été répondu, respectivement « oui, certainement » / « oui, peut-être » / « non, en aucun cas » / « ne sait pas »:
Fillon 37 / 24 / 36 / 3
Sarkozy 39 / 15 / 45 / 1
Copé 22 / 25 / 48 / 5
Ces chiffres confirment ce qui a pu être dit pendant toute la campagne présidentielle: Sarkozy mobilise bien sa base, mais se heurte à un plafond de verre qui lui interdit de franchir facilement les 50%. Fillon n’a pas ce problème, alors que Copé essuie un refus encore plus net que Sarkozy, sans enthousiasmer autant sa base.

Auprès des sympathisants du centre (soit, pour ce sondage, le MoDem, le NC et le parti radical), Fillon est évidemment dominant et Copé s’en sort encore plus mal que Sarkozy:
Fillon 53 / 27 / 19 / 1
Sarkozy 36 / 27 / 36 / 1
Copé 25 / 27 / 43 / 5

Auprès des sympathisants du FN, Sarkozy est logiquement le meilleur, mais Fillon n’est pas en retrait par rapport à Copé:
Fillon 34 / 32 / 33 / 1
Sarkozy 53 / 22 / 25 / 0
Copé 32 / 27 / 35 / 6

Enfin, auprès des sympathisants UMP, Fillon est quasiment au niveau de Sarkozy et Copé est étonnamment fragile, ce qui signifierait probablement, en 2017, au profit d’un Borloo coiffé et sobre ou d’une Le Pen poussée par le buzz médiatique et créerait un risque réel de « 21 avril à l’envers »:
Fillon 78 / 15 / 5 / 2
Sarkozy 82 / 12 / 4 / 2
Copé 49 / 35 / 13 / 3

De même, le sondage OpinionWay pour le Figaro (27 septembre-1er octobre, auprès de 523 sympathisants extraits d’un échantillon total de 2213), sur l’image comparée de Copé et Fillon, place ce dernier en position de force:
certes, la réponse dominante pour toutes les catégories (sauf une, le charisme) est: « les deux »;
certes, Fillon a un retard de -21 sur « dynamique » et de -16 sur « moderne »;
mais il parvient à ne pas céder de terrain sur « proche des adhérents et des militants » (-5), argument majeur de Copé, ni sur la personnalité (« a une force d’entraînement » à -2, « déterminé » à -1), ni sur le renvouellement à l’UMP (« incarne le renouvellement de la droite » à +2, « a des idées nouvelles » à +2, alors que Copé joue au Sarkozy avec du buzz quasiment chaque jour);
il reste surtout fort sur des éléments de personnalité sur lesquels il semblait partir avec un désavantage (« charismatique » à +13, « courageux » à +10, « sait où il va » à +17, mais le caractère vibrionnant de Copé sur le modèle de Sarkozy est sûrement contre-productif);
sur une capacité à mener l’UMP et à être proche de son « coeur » (« a l’autorité d’un chef de parti » à +13, « proche de vos préoccupations » à +19, « incarne bien les valeurs de la droite » à +16, « a un projet pour la droite » à +14, « fidèle aux idées de Sarkozy » à +16, alors qu’il s’agit là de l’autre argument majeur de Copé);
sur une capacité à gagner les élections, y compris locales tant mises en avant par Copé (« capable de mener l’UMP à la victoire aux élections de 2014 » à +20, « incarne l’avenir de la droite » à +15, « capable de rassembler les électeurs de droite » à +20, « ferait un bon chef de l’opposition » à +16).

Alors même que ce sondage n’aborde pas l’expérience, les qualités d’homme d’Etat ou la capacité à gagner en 2017, qu’il est donc « en ligne » avec les souhaits de Copé (et du Figaro ?), Copé est ainsi distancé là même où il devrait au moins faire jeu égal et dans une mesure « qualitative », sûrement bien plus révélatrice que les sondages bruts sur le candidat préféré.

Si ces résultats sont positifs pour Fillon à court terme, ils le sont surtout à moyen terme, car ils pourraient signifier que sa présidence de l’UMP ne serait pas trop remise en cause en 2015 (le président de l’UMP est élu pour 3 ans).
D’abord, le fait de diriger permet de renouveler les structures et les apparatchiki et de s’assurer de nouvelles fidélités.
Ensuite, si les municipales de 2014 ne seront pas forcément extraordinaires pour l’UMP, les européennes de 2014 devraient être catastrophiques pour le PS (les Verts et le FG reviendront sur le devant de la scène) et les régionales et départementales seront raisonnablement bonnes pour l’UMP, tant elle part de bas en nombre de conseils régionaux et généraux (les régionales seront d’ailleurs plus médiatisées que les départementales et c’est précisément dans les régions que l’UMP a davantage de chances de gains).
Enfin, il est peu probable que Copé puisse refaire son retard si Fillon s’il perd en 2012. Bien entendu, il mènera une guérilla implacable et fera tout pour affaiblir Fillon; il facilitera la tâche de Sarkozy; mais il ne pourra le faire qu’en restant sur le créneau droitier et, sauf à ce que le FN crée un séisme aux européennes ou aux régionales, il est peu probable que le paysage général soit profondément modifié: l’UMP n’aura pas forcément progressé mais elle n’aura pas régressé et, surtout, le PS se sera effondré ce qui, par simple différence, fera apparaître Fillon comme un bon chef de l’opposition.

Peut-être tombé-je dans un optimisme excessif (maintenant que je suis sûr de pouvoir voter le 18 novembre… :P) mais, si Fillon dépasse les 55% (60% seraient mieux, mais il ne faut pas être trop exigeant), il devrait logiquement être le candidat pour 2017.

4. Quid, donc, de 2022 ?

Bien sûr, si Fillon est élu en 2017 (je continue d’en douter…), il sera le candidat sortant en 2022 et se représentera, selon la logique américaine.

Si Hollande est réélu en 2017 (rien n’est exclu: une forte Le Pen, un retour d’une croissance correcte, des mesures électoralistes, une division de l’UMP,…), Fillon sera bien entendu la victime expiatoire de la défaite. Les possibilités ne sont alors pas si nombreuses que cela.

D’abord les hypothèses fantaisistes:
Sarkozy pourra-t-il revenir en 2022 ?…. Il n’aura que 67 ans…. Et si la métaphore américaine doit être filée jusqu’au bout, la victoire de Nixon en 1968 revient de très loin…. C’est quand même peu probable car les prétendants seront nombreux et, surtout, l’échec de son retour en 2016 devrait avoir mis un terme définitif à sa carrière.
Christine Lagarde a un an de moins que Sarkozy…. Je l’évoque simplement parce qu’elle est maintenue dans les différents baromètres de popularité, mais il est évident que cette argentière plus anglo-saxonne que franchouillarde n’a strictement aucune chance dans notre pays.

Ensuite, les hypothèses qu’aiment évoquer les médias dès qu’une tête dépasse les autres de quelques centimètres pendant quelques minutes; par ordre de probabilité croissante
Chatel est par trop libéral et a également une image de privilégié (au mieux, il peut viser Bercy);
Baroin est clairement trop dilettante et « fils à papa » et, à force d’être le jeune premier, sera bien défraîchi;
Bertrand a été un bon ministre technique, mais sa popularité est faible et il a largement échoué à la tête de l’UMP: trop rigide, peu charismatique, ne pouvant s’empêcher de dégager une image d’hypocrisie et d’absence de sincérité; en outre, il est élu d’une circonscription très difficile;
Pécresse a acquis une image de « bourgeoise » et de privilégiée qui la disqualifie probablement de manière définitive pour une présidentielle; elle fait partie de ces responsables politiques (comme Baroin, mais peut-être même pas comme Bertrand) qui ne peuvent espérer, au mieux, qu’être Premier ministre (un peu à la Bianco, en son temps);
NKM est à mon sens trop « décalée », sur le plan personnel, et une forme de sincérité et une réelle intelligence ne pourront compenser le fait qu’elle serait également considérée comme une privilégiée et une « fille à papa »; sa circonscription est, en outre, délicate; elle peut largement envisager Matignon, mais plafonnerait pour une présidentielle, même si, comme Pécresse, elle a l’avantage d’être, tout simplement, une femme;
– un peu en retrait mais très proche de la catégorie suivante, Le Maire est probablement trop technocratique et sérieux pour espérer même concourir à la magistrature suprême; sa campagne interne à l’UMP fut claire et cohérente et il a déjà des relais; son bon potentiel (une certaine clarté et fermeté personnelles; une réelle compétence; un positionnement central à droite, comme Fillon) ne sera toutefois probablement pas suffisant pour effacer l’image d’énarque; Le Maire est évidemment un candidat naturel pour Matignon, mais, au-delà, il pourrait ne pas faire mieux qu’un Moscovici.

Reste les vrais postulants à la candidature pour 2022:
Copé, bien sûr, qui est né pour la présidentielle, ne pense et n’agit que pour cela, ce qui est bien la caractéristique commune à tous les Présidents récents de la Ve République (VGE, Mitterrand, Chirac, Sarkozy, mais aussi Hollande, quoi qu’il veuille laisser paraître); de toute façon, il essaiera jusqu’au bout et il est bien possible qu’après avoir aidé à torpiller Fillon en 2017, il s’apprête à récupérer la mise en 2022…
– à moins qu’entretemps, Wauquiez n’ait réussi à s’imposer: il est clairement d’un matériau présidentiable, est déjà focalisé sur cet objectif et a su se positionner à la fois à droite (les assistés) et chez les modérés (héritage de Barrot, « droite sociale », classes moyennes), tout en « sentant » les évolutions socio-politiques modernes (les « sujets de la vie quotidienne » de ceux qui votent); il a un très bon ancrage local, alors même que sa circonscription n’est plus aussi acqusie à la droite.

D’aucuns pourraient nous enjoindre d’être plus volontaristes et de regarder vers les plus jeunes. Mais la France n’en est pas encore au stade du Royaume-Uni ou des Pays-Bas et l’exemple américain n’incite pas à penser qu’une carrière météorique soit possible dans un régime présidentialisé. Obama n’est pas un contre-exemple: il a eu du mal à s’imposer face à Hillary Clinton (il a eu moins de voix qu’elle… ne l’oublions pas) et il n’a pas gagné pour sa jeunesse mais pour sa couleur de peau (y compris dans la nuance pas trop foncée, quand même…) et grâce à une stratégie et une organisation exemplaires.
Il faudrait alors surveiller un Guillaume Peltier, infatigable et ambitieux, mais très à droite, ou un Christophe Béchu, auréolé de succès électoraux locaux, mais trop locaux justement. Toutefois, le creuset local, bien que riche en espoirs (Edouard Philippe, Valérie Boyer, Philippe Dallier déjà « amorti »,…), ne laisse pas apparaître beaucoup de futurs « présidentiables ». Mais, après tout, Wauquiez aura, en 2022, à peine plus que l’âge de Valls aujourd’hui…

5. En attendant 2022, cette élection à la présidence de l’UMP semble un peu moins incertaine (le ralliement de Baroin semble avoir porté un coup psychologique à Copé, qui a de plus en plus de mal à sourire), mais n’oublions pas le débat du 25 octobre, ni l’ampleur de l’écart entre les deux hommes. Bref, il reste matière à suspense et, même si la campagne connaît peu de rebondissements, on pourra se consoler avec une présidentielle américaine présentant, enfin, un peu d’intérêt (même si le rebond national de Romney ne devrait pas durer et, surtout, ne devrait pas se traduire suffisamment Etat par Etat pour qu’il espère raisonnablement l’emporter).

Bientôt, quelques spéculations sur le PS en 2017 et en 2022…

L’après-législatives: le PS a tous les pouvoirs et tous les problèmes, l’UMP entame son opposition de la plus mauvaise des manières

La « décompression » après l’intense période électorale et quelques soucis personnels malheureusement persistants espacent l’activité de ce blog… La fréquentation est revenue au « noyau dur » de la fin d’année 2011 😉 Voici de quoi relancer quelques réflexions et discussions:

1. Les groupes à l’Assemblée sont formés (http://www.assemblee-nationale.fr/14/tribun/xml/effectifs_groupes.asp) et donnent finalement lieu à peu de surprises, même si les groupes RRDP et UDI raviront les « amateurs »:
– le FG n’a trouvé que les plus à gauche des députés d’outre-mer pour atteindre tout juste le seuil des 15 députés,
– le MRC reste dans la mouvance socialiste et la quasi-totalité des DVG sont au sein du groupe socialiste,
– le PRG a réussi à constituer un groupe en ralliant le seul député du MUP (le parti de Hue) et un MoDem de la Réunion,
– ce qui montre bien, alors que Jean Lassalle reste sur le banc des non-inscrits, que le MoDem est en voie de dissolution totale,
– l’UDI ne comporte que 5 des 12 radicaux et agrège les différentes sous-tendances du NC et des égarés de la droite plus dure (CNI, DLR, DVD), même si les MPF et Dupont-Aignan restent non-inscrits,
– l’UMP subit peu de « déchets », seul le très modéré Favennec de Mayenne et l’inclassable Plagnol rejoignant l’UDI.

Les suppléants des ministres se substitueront à ces derniers, mais cela ne devrait pas menacer le groupe RDDP, un PRG suppléant pouvant remplacer Sylvia Pinel, ni le groupe écologiste, qui a une marge de 3 députés.

Les contentieux sont désormais connus (http://www.conseil-constitutionnel.fr/conseil-constitutionnel/francais/elections-legislatives-2012/contentieux/contentieux-des-elections-legislatives-2012-tableau-general.114818.html) et pourraient se révéler intéressants.

Les plus anciens se souviennent des 4 partielles organisées en janvier 1982 et qui avaient vu le retour à droite assez net des 4 circonscriptions, avec des candidats « emblématiques » (Peyrefitte, Dominati, Bénouville, Bourg-Broc). Cela avait porté un premier coup à l’état de grâce de l’époque. Aujourd’hui, probablement rien de semblable car l’état de grâce sera probablement déjà totalement dissipé au moment où le Conseil constitutionnel aura terminé son examen des saisines (à la fin de l’année). En outre, la droite est menacée de manière égale à la gauche et, même avec un fort mécontentement, pourrait très bien ne pas être en mesure de conserver certains sièges.

En effet, comme le montre la liste établie par Antonio (http://uselectionatlas.org/FORUM/index.php?topic=152693.345), sur 19 contestations portant sur des victoires à moins de 51%, 11 concernent des élus de gauche et 8 des élus de droite. Mais, si l’on se contente des élections à moins de 50,5%, la répartition est de 7 partout. En ce qui concerne les triangulaires emportées avec moins de 1% d’écart, c’est équilibré (3-3 et même 1-1 pour les triangulaires emportées avec moins de 0,5% d’écart).

Qui plus est, l’UMP compte des « vedettes » ou des « semi-vedettes » parmi ses élus menacés: Devedjian, Greff, Chartier, Gorges, Scellier, Mancel (dans le cas de Devedjian et Chartier, ce serait un mauvais coup pour Fillon d’ailleurs), alors que le PS n’est menacé de défaite médiatique que face au FN (Kemel-Le Pen bien entendu et Andrieux-Ravier): qu’il perde et il aura de toute façon eu l’occasion de remuer de nouveau le couteau FN dans la plaie UMP; qu’il gagne (et c’est le plus probable car partielle implique abstention encore plus forte, ce qui affectera logiquement davantage l’électorat FN) et cela éclipsera d’autres défaites.

En outre, pour le PS, la majorité à lui seul n’est pas sérieusement menacée: 2 des plus susceptibles de chuter en cas de partielle sont des Verts… (Doubs et Hérault). 4 PS peuvent chuter (Eure, Loiret, Vosges, 6e de l’Hérault où il n’y aura alors pas de triangulaire et où l’UMP peut l’emporter), car je doute qu’au-delà d’un demi-point d’écart, il y ait invalidation. Si c’était le cas, au pire, les deux triangulaires des Bouches-du-Rhône pourraient se transformer en duels et l’UMP l’emporter; mais est-elle si sûre de devancer le FN à chaque fois ? De plus, Ferrand est déjà mort et évitera au PS une défaite plus médiatique.

Au final, le gouvernement peut espérer éviter que ces partielles ne deviennent une défaite nationale fort embarrassante (ce qui fut le cas à plusieurs reprises dans le passé: les législatives partielles de janvier 1982, la municipale de Dreux fin 1982, les partielles « provoquées » par Noir et Barzach en 1991, ou même la défaite de l’UMP à Rambouillet lors de la dernière législature même si ce ne fut pas un cataclysme…), grâce à un certain équilibre des risques et au battage de Le Pen, qui s’assurera de frapper autant une UMP à feu et à sang que le PS.

2. Le PS a donc désormais tous les pouvoirs, mais aussi tous les problèmes et chacun peut déjà voir les hésitations et reniements sur des promesses pourtant peu ambitieuses, ainsi que l’absence de rapport de forces favorable au niveau économique et international et la difficulté à trancher même sur des questions mineures (ça, c’est une caractéristique moderne générale, mais elle semble amplifiée par la prudence naturelle de Hollande et par ce mécanisme compliqué dans lequel tout passe par Ayrault avant d’aller à l’Elysée, simplement pour l’apparence d’un Président ne se mêlant pas du quotidien – sauf qu’il est intervenu à La Rochelle ou pour l’élection à la présidence de l’Assemblée et que son conseiller parlementaire est à Matignon chaque semaine pour la réunion de la majorité…). De très importantes désillusions sont donc à prévoir.

Sans compter que si, les places ayant été nombreuses à distribuer, peu de socialistes importants et d’avenir se retrouvent frustrés, l’équilibre reste celui de la primaire socialiste. La direction du pays est assurée par ceux qui ont gagné le premier tour de la primaire et par ceux qui les ont ralliés. Les hollandais sont dominants aux postes d’importance (Moscovici, Sapin, Touraine, Le Drian, Le Roux, Rebsamen), de même que les « ralliés » (Valls, Batho, Cahuzac, Montebourg), appuyés par les barons locaux. Les oppositions internes potentielles sont affaiblies: Royal est politiquement morte, Fabius est « casé » pour la fin de sa carrière, Delanoë s’est fait dépouiller, l’élection très nette du fabiusio-aubryste Bartolone à la présidence de l’Assemblée permet finalement, à peu de frais, au tandem Hollande-Ayrault de ne pas paraître trop écrasant et de conserver la possibilité de pousser à l’inverse Rebsamen à la tête du PS.

Seule Martine Aubry reste l’adversaire interne potentielle, pour peu qu’elle reste première secrétaire, ce que j’ai vraiment du mal à exclure.

3. Le PS ne sera pas gêné à gauche en matière de fonctionnement politique et institutionnel:
– la majorité absolue du PS est une garantie minimale de tranquillité, au moins au départ,
– EE-LV se retrouve « radical de gauchisé »: quelques ministres, des groupes parlementaires, mais une dépendance électorale totale à l’égard du PS, aucune capacité d’influence réelle au coeur du pouvoir et des responsables nationaux notabilisés,
– Mélenchon affaibli à défaut d’être totalement assagi.

Toutefois, ce repos devrait être de courte durée car il va se poser un réel problème de représentation de l’inévitable « colère sociale »:
– l’extrême-gauche trotskyste est laminée: elle n’aura pas de financement public, tant son score aux législatives a été faible; ses ténors ont quitté la scène (Laguiller, Besancenot),
– le PCF ressort affaibli de l’expérience FG et Mélenchon s’est « abîmé » tout seul, les deux protagonistes se faisant désormais des reproches mutuels assez durs,
– Montebourg et Hamon sont devenus des ministres bien sages,
– la CGT se divise et les syndicats contestataires sont plus dispersés que jamais.

La fonction tribunicienne, l’incarnation de la contestation populaire sont donc à prendre… Il est fort possible que, par défaut, Mélenchon reste la figure emblématique de la gauche de la gauche, tant les médias ont besoin d’un visage et d’une voix pour remplir émissions, reportages et interviews. Mais Marine Le Pen peut évidemment tenter d’en profiter, même à la marge.

Si la déception à l’égard de Franz-im-Glück devient très, très élevée, ce ne serait d’ailleurs pas si dramatique pour le PS car la montée du FN assurerait de belles divisions persistantes à droite et une réélection plus aisée en 2017 avec une Marine Le Pen au second tour… On joue là avec le feu, mais le PS sait faire !

4. Le FN s’est sorti correctement d’une séquence électorale qui aurait pu être négative pour son avenir. Après tout, la présidentielle n’a pas été aussi bonne que prévu et les législatives ont montré une capacité de nuisance réduite (à peine 30 triangulaires réellement problématiques pour la droite) et une difficulté à s’imposer au second tour, même si l’étiage s’est élevé (de ce point de vue, les résultats des candidats FN opposés à Vauzelle et Andrieux dans les Bouches-du-Rhône ou celui de Philippot en Moselle ou de la présidente elle-même sont édifiants, bien davantage que les victoires par défaut de Collard et Marion Maréchal-Le Pen).

Le FN reste également dépendant de l’avenir de l’UMP et de la manière dont la droite va se recomposer ou se décomposer. Quelles que soient les objurgations morales de la gauche, le « cordon sanitaire » autour du FN a été bien plus résistant que, par exemple, en 1988, quand des accords locaux avaient été conclus dans les Bouches-du-Rhône et le Var (on l’oublie vite…). Le FN n’a donc pas réussi à se mettre en position dynamique de décideur de l’avenir de la droite.

En outre, la percée médiatique de la nièce pourrait, à terme, faire de l’ombre à la tante… mais serait une bonne nouvelle pour la droite, tant la nièce semble être surtout la petite fille et l’héritière du vieux FN, celui de l’Algérie française, de la poigne et du poujadisme isolationniste.

5. Au centre et à droite, le paysage est évidemment proche du champ de ruines.

– Certes, la nuisance Bayrou semble désormais définitivement éteinte. Mais ce n’est pas pour autant que Borloo parviendra à recréer une UDF digne de ce nom. Le centre-droit manque d’abord d’un chef. Borloo est une illusion et n’a jamais concrétisé les espoirs placés en lui, en raison de sa personnalité désorganisée et velléitaire. Lagarde tarde à percer. Hénart a été battu. Tous les autres sont des notables locaux sans avenir. Le groupe UDI est un patchwork qui montre les limites de l’élargissement: tous les centristes (notamment Daubresse, pourtant inscrit à l’URCID, le vecteur de financement du centre-droit) et la plupart des radicaux de l’UMP (en tous les cas ceux élus dans le Sud-Est ou l’Est, dans des circos très à droite…) restent « bien au chaud » à l’UMP. C’est donc un rassemblement par défaut et il est difficile d’imaginer que l’UDI ou sa concrétisation dans un nouveau parti puisse réussir là où l’ARES a échoué il n’y a même pas un an…

– En outre, le débat est déjà bien monopolisé par l’UMP, qui comporte une expression très modérée (NKM, Jouanno,…) qui préempte en partie le centre-droit et fait de l’ombre à ceux qui se tiennent hors de l’UMP.

Mais c’est bien la seule force de l’UMP que d’être le réceptacle naturel de la droite et du centre-droit, fonctionnellement, car c’est là que va l’argent public et c’est là que s’organisent les primaires: je le répète, dans un système américanisé, l’important, ce sont les finances et les primaires…

A part celà, l’UMP est extrêmement affaiblie car elle engage sa recomposition-décomposition de la plus mauvaise des manières. Elle n’a probablement pas assez perdu à la présidentielle et même aux législatives, ce qui donne l’illusion d’une santé pas si défaillante et alimente ceux qui ne veulent pas remettre à plat la stratégie.

Sarkozy n’a pas assez perdu. Cela signifie que son ombre personnelle (le futur rôle qu’il pourrait jouer, une autre candidature) est toujours là et que, malgré les ennuis judiciaires qui l’useront sur le moyen terme, l’UMP n’est pas dégagée à 100% de la possibilité d’une nouvelle candidature, surtout que les affrontements actuels montrent que son leadership assurait une solidarité minimale (même s’il n’était pas du tout un despote faisant taire toutes les dissensions, ni non plus un bon mécanicien de l’ombre…).

Cela signifie aussi que la question de la « droitisation » reste entière. A-t-elle évité une 3e place au 1er tour ? A-t-elle assuré de meilleurs reports à la présidentielle ou aux législatives ? Au contraire, a-t-elle empêché de grignoter les quelques points manquants au centre ? A-t-elle définitivement éloigné des contingents centristes et modérés, dans l’Ouest, en Ile-de-France et dans les grandes villes ?

De ce point de vue, je dirais que quasiment tous les dirigeants de l’UMP ont tort:
– il est faux de considérer que les triangulaires ont été un problème pour la droite: à peine 30 et, sur ce total, peut-être une petite quinzaine réellement fatale à la droite; cela a peut être permis au PS d’avoir sa majorité absolue seul, mais cela n’a pas décidé de l’issue des élections;
– on ne peut pas non plus inférer un quelconque positionnement des électeurs sur le débat interne de l’UMP en fonction des résultats individuels: Morano devait de toute façon perdre dans une circo « à bascule »; Bertrand a gagné moins nettement que prévu; Hénart a bien été battu; Guéant n’a pas perdu en raison de son attitude à l’égard du FN, etc.
la résistance de l’UMP aux législatives s’explique par les fortes positions FN dans l’électorat boutiquier voire conservateur et par un report correct vers l’UMP: Ain, Jura, Alsace, Lyonnais, Oise, même Drôme, Vaucluse; dans les zones d’électorat FN populaire, l’UMP s’en sort évidemment moins bien, mais sans que cela soit non plus dramatique (Somme, Ardennes, Territoire-de-Belfort, Loire), même si c’est bien sûr mauvais dans le Gard et l’Hérault; et ce alors même que, répétons-le, il n’y a pas eud ‘accord équivalent à celui de 1988 et pas de désistements réciproques « sauvages » sauf dans un cas pour l’UMP (et un pour le FN);
mais il n’est pas non plus certain que le « ni ni » ait quelque chose à voir là-dedans: les électeurs ne sont pas forcément sensibles à ces subtils positionnements entre partis et ils rallient tout simplement leur camp naturel au second tour. Dans le sens inverse, les préventions de nombreux électeurs UMP à l’égard du FN ou leur disparition, selon les cas, créent, hors de toute consigne d’appareil, une réalité qui n’est pas aisée à gérer, mais qui reste sur le plan tactique et électoral.

Le problème n’est donc pas si essentiel que cela (au sens de « touchant à l’essence de la droite »). Il tient davantage à une stratégie de long terme, pas forcément à une question d’idéologie (l’UMP ne peut être qu’une « grande maison » si elle veut rester unie et donc laisser cohabiter NKM et Longuet ou Méhaignerie et Mariani). De ce point de vue, un positionnement rigoureux sur le plan budgétaire et économique et ferme sur les questions sociétales et sécuritaires est largement suffisant. Nul n’est besoin d’en « rajouter »… La prudence est probablement recommandée sur l’Europe. A l’inverse, les relations avec le FN n’ont aucune raison de changer: pas de contact avec ce parti et attitude « décontractée » car simple, claire et ferme sur le sujet. Ce n’est pas évident étant donné la cacophonie interne à l’UMP et la pression médiatique, mais ce serait probablement la voie idéale.

Mais l’UMP ne résiste déjà pas aux délices habituels des divisions de la droite. Ce n’est pas anormal de s’écharper; le problème, c’est que tout devient immédiatement personnel et « total » à droite. L’extrême division, au sein même de chacun des grands ensembles, prend une tournure « barons du gaullisme »,  giscardo-chiraquienne ou chiraco-balladurienne qui ne peut manquer d’inquiéter profondément l’électeur de droite. L’éventuel retour de Villepin (:P), l’omniprésence médiatique de personnalités aux propos incontrôlables (Dati, Moreno, Bachelot, Jouanno, Estrosi,…) ne facilitent pas les choses et contribuent à cette guerre « totale » qui s’amorce.

Surtout que la bataille se déroule « à tous les étages ». Les batailles à l’intérieur de la bataille, pour les postes subalternes (SG, vice-président délégué, secrétariats nationaux, chefs de « mouvements ») expliquent les désaccords NKM-Pécresse d’un côté, les divergences Raffarin-Hortefeux de l’autre, ou l’apparente autonomisation de Bertrand à l’égard de Fillon ou de Baroin à l’égard de Copé. Les articles 26 et 27 des statuts de l’UMP prévoient bien des « tickets » Président-Vice-Président délégué-Secrétaire Général, à élire en même temps au scrutin majoritaire à deux tours (avec qualification des 2 tickets arrivés en tête, sans possibilité de pananchage, nous dit l’article 25 du règlement intérieur).

Wauquiez jusqu’à la semaine dernière, NKM, même Bertrand menacent de « se compter », mais c’est pour tenter de mieux se « vendre » à Fillon. Il en est de même de l’autre côté pour Baroin ou Raffarin, Le Maire pouvant apparemment se rallier à chaque camp et Chatel essayant d’abord de structurer son courant, tandis qu’Apparu joue la carte Juppé et que Pécresse, en étant la première d’importance à se positionner ouvertement, joue la récompense à venir si Fillon l’emporte (un peu comme certains hollandais historiques, comme Valls entre les deux tours de la primaire ou comme Fillon en 2005 auprès de Sarkozy). D’ailleurs, certains ralliés (Wauquiez d’un côté, Chatel ou Baroin de l’autre, Le Maire au milieu) pourraient très bien présenter quand même une motion au Congrès, afin d’avoir un mouvement, soit pour mieux peser sur leur leader, vainqueur, soit pour pouvoir se retourner en cas de défaite du leader et… prendre déjà sa place.

L’atomisation pourrait cependant être plus limitée que redouté: certains auront du mal à mettre à exécution leur menace de se présenter. En effet, il ne faut pas oublier que, pour être candidat, il faut réunir la signature de 3% des adhérents, ce qui représente 7500 à 7800 personnes à convaincre dans au moins 10 département différents… Sachant que les candidatures devront être déposées au plus tard mi-septembre (2 mois avant le Congrès)… De même, il n’y aura pas autant de mouvements que ce qui nous est annoncé: l’article 16 des statuts de l’UMP prévoit qu' »un mouvement peut être constitué dès lors que sa déclaration de principe a été parrainée par un nombre minimum de 10 parlementaires de l’Union, représentant au moins dix fédérations départementales, et a recueilli au moins 10% des suffrages exprimés au Congrès« . NKM, Baroin, Karoutchi pourraient avoir quelques soucis à atteindre l’un ou l’autre de ces critères, a fortiori Le Maire. Le courant libéral (Chatel, Longuet, Novelli, Tabarot,…), la Droite moderne, ne devrait pas avoir de difficulté, ni ceux de la Droite sociale (Wauquiez) et de la Droite populaire (Mariani). J’ignore si la Droite humaniste se recomposera pour tenir compte de NKM d’un côté, de Raffarin de l’autre, voire de Bertrand. Quant aux gaullistes et chiraquiens, la cohérence entre Karoutchi, MAM, Baroin, Le Maire n’apparaît pas clairement.

J’ai déjà spéculé sur les différents courants et nous aurons l’occasion d’y revenir, mais si les principaux protagonistes ne se lancent pas (Copé, Fillon, Juppé n’ont aucune obligation d’appartenir à un mouvement) et si les pré-requis pour simplement se présenter aux suffrages du Congrès sont trop difficiles à réunir, le nombre final de mouvements risque d’être un peu décevant pour le « fanatique » de cuisine interne des partis 😉
L’absence d’obligation de rallier une motion, contrairement à ce qui se passe au PS, risque aussi d’empêcher de bien mesurer les équilibres internes (un peu comme lorsqu’existe au PS une motion de la direction regroupant les principaux courants) et de survaloriser des mouvements minoritaires, les adhérents pensant qu’il faut forcément en soutenir un ou en soutenant un tout simplement pour qu’il puisse s’exprimer mais sans adhérer à toutes ses propositions.

Sur le plan de l’affrontement majeur, Copé-Fillon, à ce jour, Fillon a probablement perdu du terrain par rapport à la situation pré-législatives:
– Bertrand n’a pas sérieusement inquiété Jacob,
– le flux de sondages s’est tari et ne « porte » plus l’ancien Premier ministre,
– son attitude très personnelle et peu chaleureuse à l’égard de ceux qui peuvent le rallier (Bertrand, Le Maire,…) n’est pas de nature à élargir ses minces réseaux internes,
– dans un paysage trop atomisé, c’est davantage Juppé que Fillon qui pourrait s’imposer comme un recours et un « pape de transition », en attendant le vrai combat de la primaire de 2016.

Mais Copé n’est pas entièrement solide:
– la fragmentation atteint aussi son propre camp: Chatel, Longuet et Novelli à la manoeuvre et pas forcément uniquement pour le compte de Copé; Baroin et Le Maire non contrôlés; Raffarin en désaccord sur le fond même si toujours allié objectif; Morano et Dati plutôt contre-productives; structuration des sarkozystes; Droite populaire grincheuse, frustrée et risquant de « bouder » à force d’être stigmatisée;
– le ralliement de Ciotti à Fillon, même s’il ne remet pas en cause, à ce jour, le probable tropisme des Alpes-Maritimes vers Copé (Estrosi n’aime ni Copé ni Fillon mais déteste probablement encore davantage ce dernier), est intéressant car il montre une capacité « attrape-tout » de Fillon que Copé ne possèdera jamais et qui avait fait, en son temps, l’attrait de DSK puis de Hollande;
– même s’il bénéficie d’une forme de soutien indirect (et objectif) de médias de gauche (certains articles du Monde ou de Libération sont édifiants) qui accentuent les faiblesses de Fillon (adversaire plus gênant pour la gauche que Copé, évidemment…), l’ambiance générale reste favorable à ce dernier, surtout avec les ralliements médiatisés et échelonnés de Pécresse et Wauquiez;
– le caractère désordonné du débat (Pécresse défendant Sarkozy et même Buisson mais ralliant Fillon; Raffarin critiquant le « ni ni » et revendiquant le droit d’inventaire mais restant objectivement copéiste; Bertrand détestant Copé mais hésitant à l’égard de Fillon; Bachelot qui défend Sarkozy contre Sarkozy ou qui critique 2012 en s’appuyant sur 2007; ceux qui critiquent Sarkozy mais refusent l' »inventaire » et ceux qui veulent l' »inventaire » mais encensent Sarkozy;…) ne plaide pour le moment pas pour sa maîtrise de l’appareil et l’agitation autour des « mouvements » pourrait l’avoir quelque peu dépassé.

On s’oriente donc vers une bataille entre la popularité extérieure et « généraliste » de Fillon et la combativité interne et mieux ciblée de Copé. Au PS, Royal avait triomphé de Fabius et Hollande a battu Aubry. Pourtant, Copé reste fort, appuyé sur l’appareil et sur des inimitiés fortes qui existent à l’égard de Fillon chez de nombreux apparatchiki; quant à la personnalité, il est certain que Fillon n’est pas le mieux armé, même si, après tout, le candidat « normal » a longtemps été décrié et sous-estimé…

Dans ce jeu, Juppé a probablement « loupé le coche », car il est intervenu trop tôt tout en n’allant pas jusqu’au bout: Fillon l’a « grillé ». Or, pour que Juppé prospérât, il aurait fallu qu’il attendît sur l’Aventin une guerre civile totale. Là, il s’est dévalorisé tout en ne préemptant pas l’aile modérée de l’UMP. En outre, l’idée d’un président-sage ou arbitre est totalement antinomique de toute l’histoire de la droite depuis Pompidou. La droite a toujours voulu un vrai chef qui soit aussi son candidat et le RPR -le véritable ancêtre de l’UMP- en a toujours eu un; même l’UDF fut créée en ce sens.

Certes, le président de l’UMP ne sera élu que pour 3 ans (curieux…) et, en 2015, il faudra peut-être tout remettre sur le métier, surtout si Copé perd. Mais de bonnes élections locales et européennes en 2014 devraient conforter le vainqueur de cet automne et lui éviter le retour de… Sarkozy.

Derniers sondages IFOP, Harris, BVA et CSA pour les législatives et étude du sort des ténors de droite et du centre: l’effritement du FN et l’effacement du centre seront insuffisants pour que l’UMP puisse menacer un PS non assuré d’avoir seul une majorité

IFOP-Fiducial
Europe 1, Paris-Match, Public Sénat
6 mai 2012
échantillon: 1968
LO 0,5
NPA 1
FG 8
PS+PRG 31
EE-LV 5
(soit PS+PRG+EE-LV 36)
MoDem 4,5
NC+PR 1,5
UMP 30
DLR 0,5
(soit UMP+NC+PR+DLR 32)
FN 18

Harris Interactive-Viadeo
M6
6 mai 2012
échantillon: 2597 inscrits sur un total de 2913
LO+NPA 1
FG 7
PS 26
DVG 2
(soit PS+DVG: 28)
EE-LV 5
(soit PS+DVG+EE-LV 33)
MoDem 5
UMP 32
DVD 2
(soit UMP+DVD 34)
FN 17
autres 3

BVA
Le Parisien-Aujourd’hui en France / RTL, Orange, presse régionale
6 mai 2012 / 9-10 mai 2012
échantillons: 857 inscrits sur un total de 874 / 1147 inscrits sur un total de 1159
LO+NPA 0,5 / LO 0 et NPA 0,5
FG 10,5 / 10,5
PS+PRG+EE-LV 35 / PS+PRG 30 et EE-LV 4,5
(soit PS+PRG+EE-LV 35 / 34,5)
AEI – / 0
MoDem 4 / 5
UMP 33 / UMP 32,5 et DLR 1
(soit UMP+DLR 33 / 33,5)
FN 17 / 16

CSA
BFM-TV, RMC, 20 Minutes, CSC
6 mai 2012 / 9-10 mai 2012
échantillons: 1016 / 899 inscrits sur un total de 1005
LO 1 / 1
NPA 0 / 0,5
FG 10 / 10
PS 31 / 32
EE-LV 4 / 4
(soit PS+ EE-LV 35 / 36)
MoDem 6 / 4
UMP 30 / 33
DLR 1 / 0,5
(soit UMP+DLR 31 / 33,5) 
FN 15 / 12
autres 2 / 3

1. Comme souvent, mes titres à rallonge essaient de tout dire 😉 Mais il y a justement beaucoup à dire sur ces prochaines législatives.

Il y a d’abord des poncifs à combattre:

l’abstention sera nettement plus forte qu’à la présidentielle (20%): en métropole en 2007, après une très forte participation à la présidentielle, l’abstention avait grimpé à plus de 39% et ce, dès le premier tour (donc sans effet « TVA sociale » et « bourde Borloo »); certes, le déclin de Le Pen père y contribua (et la mobilisation « bleu Marion Anne Perrine » sera plus forte cette année); mais il y a de toute façon une plus forte abstention législative;

en conséquence, le poids du FN et sa capacité à se maintenir sera réduite; d’ailleurs, dans le passé, sa capacité de nuisance ne fut maximale qu’en 1997, à distance d’une présidentielle; en 1993, avec 12,4%, il pouvait se maintenir dans 101 circonscriptions, désavantageant davantage la gauche, déjà distancée par la droite dans une atmosphère d’affaires et de fin de règne; en 2002, malgré la surprise présidentielle, avec 11,1%, il pouvait se maintenir dans seulement 37 circonscriptions; en 2007, avec 4,3%, dans seulement 1 circonscription (devinez ;)); en 1997, en revanche, avec 15%, il pouvait se maintenir dans 133 circonscriptions, dont 79 triangulaires (76 effectives, finalement), 23 duels avec la gauche et 31 duels avec la droite, faisant élire un seul député dans le Var;

– aujourd’hui, au 1er tour de la présidentielle, Le Pen fille a certes dépassé les 12,5% des inscrits dans beaucoup de circonscriptions, mais c’était la présidentielle, c’est-à-dire qu’elle était présente partout; aux législtives, le FN, notamment dans tout l’Ouest, a du mal à trouver des candidats et des candidats un tant soit peu connus; en outre, le vote FN est aussi très personnalisé et « familial »: il est lepéniste au sens personnel du terme; il déclinera donc mécaniquement; bref, il est plus raisonnable de tabler sur les circonscriptions où Le Pen est arrivée en tête (23) et celles où elle est arrivée deuxième (93), plus quelques autres, ce qui aboutira probablement à une situation similaire à celle de 1997, donc avec des dégâts potentiellement équivalents pour l’UMP, notamment dans la Somme, l’Oise, l’Aisne, le Nord, les Ardennes, le Gard, l’Hérault, les Bouches-du-Rhône, la Loire, l’Isère, la Meurthe-et-Moselle, le Territoire-de-Belfort, la Moselle, la Meuse, l’Yonne;

la majorité de gauche n’est pas menacée, car le coup de poignard dans le dos du FN sera suffisant pour handicaper mortellement l’UMP et que les Français ne semblent pas souhaiter une cohabitation; le vote de 2002, alors que Chirac fut élu par défaut et que la gauche faisait jeu égal, voire mieux que la droite à l’issue du gouvernement Jospin, montre que les Français avaient souhaité donner une majorité claire à Chirac et Raffarin, malgré tout.

En revanche, subsistent des incertitudes:

le PS n’aura peut-être pas la majorité à lui tout seul: son stupide accord avec les Verts donnent à ces derniers beaucoup (trop) de circonscriptions; certes, leur « danse du ventre » indécente pour avoir des portefeuilles ministériels (au point qu’eux-mêmes -pas les médias- ont reconnu être allés trop loin… que n’aurait-on dit s’il s’était agi de gens de droite ou même du PS…) peut leur coûter quelques voix, mais c’est loin d’être sûr car le niveau d’attention des Français à l’actualité politique a mécaniquement régressé de quelques crans depuis dimanche; surtout, ce sont les multiples candidatures dissidentes du PS ou de divers gauche contre les Verts (j’espère pouvoir faire le point après le 18 mai) qui pourraient permettre au PS et au PRG de retrouver quelque espoir d’avoir une majorité à eux seuls: toutes les circonscriptions bretonnes, lyonnaises et toulousaines réservées aux Verts voient ainsi un notable local, bien implanté et très souvent PS, se présenter et avoir de très bonnes chances de faire chuter le candidat Vert; mais si le PS n’y parvient pas, il pourra se mordre les doigts…

l’éventuel accord PS-FG pour quelques candidatures uniques pourrait encore affaiblir la position du PS; heureusement pour ce dernier, le FG veut se compter et, surtout, a la même logique que le MoDem, le PR, le PCD ou le NC: pour avoir de l’argent public pendant 5 ans, il faut faire des résultats mais aussi, tout simplement, présenter au moins 50 candidats et, ensuite, récolter le plus de voix possible; il y a donc une désincitation mécanique aux candidatures uniques de premier tour; en outre, même si Mélenchon semble pouvoir se présenter partout à lui tout seul (9 circonscriptions différentes, au moins, ont déjà été envisagées…), pas très respectueux des camarades locaux, ni des Français, priés de voter pour lui où qu’il soit, le PCF a une bonne implantation locale, encore, et ne souhaitera pas forcément se retirer de zones, notamment dans le Nord et le Nord-Est, historiquement communistes;

l’ampleur de l’abstention rend évidemment le tableau incertain, entre une démobilisation à droite et un découragement précoce à gauche (à cause de la crise européenne relancée, des premières déceptions du Hollande prudent et déjà confronté à des problèmes internes);

un réflexe de « contre-pouvoir » est possible (après tout, la gauche pourrait avoir tout le pouvoir exécutif, tout le pouvoir législatif et une grande partie des collectivités territoriales), même si je ne suis pas persuadé que ce phénomène soit vérifié; ce qui est en revanche réel, c’est que, d’un tour à l’autre, des corrections ont souvent eu lieu, au travers d’une remobilisation ou d’une démobilisation d’un camp; ainsi, un score décevant pour la gauche au 1er tour pourrait entrapiner un sursaut, de peur d’une cohabitation; à l’inverse, un trop mauvais score pour la droite pourrait conduire des électeurs de droite ou modérés à se « réveiller » pour éviter un trop forte vague rose et des pleins pouvoirs à Hollande;

les désistements FN-UMP pourraient troubler la donne, essentiellement sur le plan médiatique; souhaités par une majorité d’électeurs UMP (70-30 selon IPSOS, 54-46 selon l’IFOP mais qui aprlait d' »accords électoraux », ce qui pouvait paraître plus large que les simples désistements) et par une majorité d’électeurs FN (68-32 selon IPSOS, 77-23 selon l’IFOP), ils restent rejetés par une majorité de Français et seraient médiatiquement calamiteux; ils sont toutefois peu probables, à quelques exceptions locales près, qui restent possibles (même si, même pour des candidats peu connus, c’est peu probable, les élections locales étant lointaines et certains UMP du Sud-Est ou du Nord-Est n’ayant donc pas à craindre de représailles à court terme); les leaders de l’UMP ont adopté une ligne claire pour le maintien où c’est possible et les triangulaires; restent les duels FN-PS, notamment dans le Nord de la France, pour lesquels deux lignes pourraient s’affronter, mais ils seront peu nombreux.

2. Les premiers sondages, certes influencés encore par la présidentielle, montrent des éléments clairs, qui confirment mes observations ci-dessus:

le bloc FG-PS-DVG-Verts est largement au-dessus de l’ensemble UMP-PR-NC-DVD: ce sont bien les forces à comparer, puisqu’il y a candidatures uniques dès le 1er tour ou désistements automatiques au 2nd, hors quelques exceptions locales plus tendues; même avec un environnement international tendu ou quelques couacs, l’échéance du 10 juin est trop proche pour que les rapports s’inversent ou même s’équilibrent: l’UMP ne peut espérer que « limiter la casse », pas créer une incertitude sur le résultat final;

– au sein de ces blocs, le FG est à son niveau de la présidentielle, voire un peu en-deçà et devrait donc revenir à l’étiage communiste traditionnel; les Verts retrouvent un tout petit peu d’espace, mais leur sort parlementaire dépend davantage des situations locales et de la force des dissidents socialistes; à droite, l’espace centriste est marginal;

– quant au MoDem, il est déjà effacé dès les sondages; il pourrait donc bien disparaître lors des élections elles-mêmes, le parti ne semblant déjà pas en mesure de présenter plus de 400 candidats et la décision personnelle de Bayrou ayant entraîné une hémorragie supplémentaire;

le FN apparaît haut, mais en léger retrait par rapport à la présidentielle, voire plus nettement selon le récent CSA (mais nous connaissons désormais l’erratisme de cet institut… ce 12% ne peut donc que laisser sceptique);

– CSA et Harris ont raison de sonder les « autres », car, entre les régionalistes, CPNT, les dissidents de tous poils, les défenseurs des animaux, les sectes déguisées, il y a la place pour quelques % perdus.

Pour mémoire, voici les résultats en métropole en 2007:
EXG 3,41
PCF 4,29
(soit PCF+EXG 7,70)
PS 24,73
PRG 1,32
DVG 1,97
(soit PS+PRG+DVG 28,02)
Verts 3,25
DIV ECO 0,80
(soit PS+PRG+DVG+Verts 32,07)
REG 0,51
CPNT 0,82
DIV 1,03
(soit « autres » 2,36)
UDF-MoDem 7,61
DVD 4,84
UMP 39,54
MPF 1,2
(soit UMP+DVD+MPF 45,58)
FN 4,29
EXD 0,39
(soit FN+EXD 4,61)

Sans même évoquer le score du FN, la situation entre les deux blocs est donc inversée.

3. Outre ces problèmes structurels pour la droite (niveau global limité, FN menaçant), un aspect potentiellement fort négatif pour elle et en partie décisif pour la recomposition à venir tient dans le sort de ses ténors, de la Droite Populaire jusqu’aux centres.

En effet, beaucoup de ses leaders naturels peuvent être battus ou simplement affaiblis. Nous allons voir que ce sont davantage ceux de l’aile modérée ou du centre qui sont menacés, ce qui pourrait avantager Copé face à Fillon et Juppé et ce qui pourrait retarder le regroupement des centres (ou l’accélérer mais à un niveau très faible de simple force d’appoint de l’UMP, par simple regroupement forcé des « restes » NC, radicaux et centristes divers). Ce phénomène sera déjà accentué par le fait que, globalement, les députés de l’aile droite de l’UMP sont dans des circonscriptions plus sûres (Sud-Est, Nord-Est) que ceux de l’aile modérée, qui risquent de connaître des revers dans l’Ouest et le Centre-Ouest par exemple (Sarthe, Calvados, Vienne, Bretagne), en Ile-de-France (Hauts-de-Seine notamment), dans le Rhône ou dans les Pyrénées-Atlantiques.

Il y a d’abord les leaders modérés (des gaullistes aux anciens UDF de l’UMP) menacés de défaite ou d’affaiblissement:
Juppé a déjà renoncé (ce qui pourrait lui nuire) et pourrait voir son poulain mordre la poussière (Gironde)
– l’ancienne circonscription de Fillon (Sarthe 4e) risque bien de basculer; Fillon est évidemment menacé par Dati à Paris (2e)
Méhaignerie ne se représente pas (Ille-et-Vilaine 5e), mais sa remplaçante, certes bien implantée, n’est pas assurée d’une élection facile en raison de candidatures radicale et centriste concurrentes
Raffarin n’est pas député, mais la Vienne pourrait donner un grand chelem à la gauche
Bertrand (Aisne 2e) est clairement meancé, non pas tant par le FN (Le Pen était en 3e position), mais par une poussée socialiste
Alliot-Marie est en difficulté face à un PS majoritaire (Pyrénées-Atlantiques 6e)
Devedjian (Hauts-de-Seine 13e) est meancé dans une circonscription où Hollande a été nettement majoritaire
– de même pour Gilles Carrez (Val-de-Marne 5e)
Daubresse paraît moins menacé (Nord 4e) car Sarkozy y était clairement majoritaire et le FN seulement 3e, mais le PS pourrait soutenir un centriste bien implanté localement s’il faisait un bon score
– Bachelot ne se représente pas, mais sa circonscription (Maine-et-Loire 1e) a donné plus de 50% à Hollande.

A côté, les leaders modérés moins menacés ne sont pas si nombreux ou conservent une petite part d’incertitude:
– Fillon, sans Dati, n’aurait pas de problème, évidemment
NKM est dans une criconscription où Sarkozy a été majoritaire et où le FN est assez faible (Essonne 4e), mais sa marge n’est pas si confortable
Wauquiez semble hors de danger, malgré la poussée du PS en Haute-Loire, mais il devra être attentif
– de même que Chartier (Val d’Oise 7e)
Apparu n’est pas en danger (Marne 4e) malgré un FN élevé
Bussereau n’est pas menacé (Charente-Maritime 4e)
Baroin non plus (Aube 3e)
Pécresse encore moins (Yvelines 2e)
Ollier de même (Hauts-de-Seine 7e), ainsi que Laffineur (Maine-et-Loire 7e)

En revanche, les leaders de l’aile dure sont plus en sécurité, même si leur chef putatif n’est pas totalement hors de danger:
– en effet, Copé peut pâtir d’un FN élevé (Seine-et-Marne 6e), mais il est très bien implanté
Estrosi, Luca, Ciotti, Tabarot sont tranquilles (Alpes-Maritimes)
– Boyer a migré dans une criconscription sûre (Bouches-du-Rhône 1e)
Chatel est assuré de l’emporter (Haute-Marne 1e)
– de même que Woerth (Oise 4e), malgré le FN élevé
Morano bénéficie d’une circonscription bien redécoupée (Meurthe-et-Moselle 5e)
– comme Mariani (Français de l’étranger)
– Raoult est dans la dernière circonscription de Seine-Saint-Denis (12e) gagnable et son ancrage local devrait suffire
– Guéant devrait être élu, sauf dissidence de poids (Hauts-de-Seine 9e).

Certes, même l’aile plus dure peut avoir des déconvenues, mais ce sont plutôt des libéraux ou des éléments plus difficiles à classer qui sont concernés:
Novelli (Indre-et-Loire 4e), Mariton (Drôme 3e) et Courtial (Oise 7e, en raison d’un FN élevé) dans le premier cas
Rosso-Debord (Meurthe-et-Moselle 2e, avec une poussée socialiste dans une circonscription mal redécoupée), ancienne filloniste devenue sarkozyste fidèle, ou Muselier (Bouches-du-Rhône 5e, très « rose » désormais).

Chez les centristes hors UMP ou à la marge de l’UMP, ce sont les caciques ou les plus proches de l’UMP qui devraient survivre:
Morin (Eure 3e), Sauvadet (Côte d’Or 4e), Leroy (Loir-et-Cher 3e), Hervé de Charette (Maine-et-Loire 6e), Léonetti (Alpes-Maritimes).

En revanche, la jeune génération prometteuse et les plus « indépendants » de l’UMP sont en danger:
Borloo lui-même a une circonscription difficile (Nord 21e, majoritairement pour Hollande) même si elle est gagnable étant donné son implantation personnelle; toutefois, s’il perd, ajouté à son caractère velléitaire, il sera bien diminué pour incarner en quoi que ce soit le centre à rebâtir
Hénart est fort menacé (Meurthe-et-Moselle 1e)
– Jean-Christophe Lagarde a presque déjà perdu (Seine-Saint-Denis 5e) malgré sa forte équation personnelle
Jégo aura fort à faire avec un FN élevé (Seine-et-Marne 3e)
– sans même revenir sur le cas de Bayrou (Pyrénées-Atlantiques 2e), certes désormais quasi-« divers gauche ».

Dans un contexte global défavorable, il est donc bien possible que:
les copéistes au sens large (Droite Populaire et ex-sarkozystes compris) deviennent dominants,
les centristes soient réduits à des barons et des vieux leaders, qui seront bien incapables de reconstruire quelque chose s’approchant de l’UDF.

Alors même que l’élection à la présidence de l’UMP, si elle donne bien lieu à un affrontement Copé-Fillon, risque bien de voir l’aile modérée se diviser (NKM, Wauquiez, voire Juppé ou Baroin ne voudront-ils pas se compter ?), les militants les plus actifs et donc souvent les plus durs se mobiliser davantage et les fédérations les plus importantes se copéiser fortement,
de tels résultats individuels aux législatives ne feront qu’accentuer le risque d’un centre-droit pérennisé dans la situation de croupion et d’une dispersion perdante de l’aile modérée, gaullo-centro-humaniste, de l’UMP.

En revenant sur la géographie électorale u second tour de la présidentielle, nous verrons que cet avenir sombre de la droite est confirmé. L’espoir pour elle est que le quinquennat de Hollande s’annonce fort difficile. Mais est-ce bien la droite parlementaire qui en profitera ?….

Indicateur du 9 avril 2012: quel avenir pour les droites dans la perspective d’une victoire de la gauche ?

1. L’indicateur de cette semaine montre une poursuite des tendances déjà relevées, mais avec un certain ralentissement sauf pour Bayrou:
– amélioration du score de Sarkozy,
– décrue de Le Pen,
– progression de Mélenchon,
– effritement de Hollande,
– décrochage de Bayrou,
– marginalité persistante des autres candidats.

Il est intéressant de relever que cette situation se produit alors que la pondération au sein de l’indicateur a été relevée et que seuls les sondages des deux dernières semaines (en réalité réalisés depuis le 22 mars pour le plus ancien) sont désormais pris en compte.

Avec le début des vacances scolaires, la presse lève manifestement le pied et il est clair que la campagne est un peu en « roue libre » et ne continue que sur sa lancée. C’est une bonne nouvelle pour Mélenchon, qui reste sur une dynamique favorable et sur la « dernière impression » et son score ne devrait pas s’en départir jusqu’au premier tour. Pendant ce temps, les deux principaux candidats multiplient les signes de fatigue et se battent sur le permis de conduire… bref, rien qui puisse altérer les rapports de force actuels de manière structurelle… Chaque candidat (Le Pen et Bayrou compris) est revenu à ses fondamentaux, par sécurité et par conservatisme, presque par facilité et par souci de se reposer, semble-t-il…

Cela suffira-t-il à Mélenchon pour dépasser clairement Le Pen ? Cela reste probablement la dernière inconnue de la campagne, avec, peut-être le seuil des 30% pour Sarkozy et l’éventuelle reprise du resserrement de l’écart de second tour. On peut raisonnablement parier sur un nouveau palier, tant au premier qu’au second tour.

Au second tour, justement, Sarkozy ne regagne plus de terrain et les positions se sont stabilisées à 54-46 environ (alors même que le mode de calcul de l’indicateur a été modifié).

2. Profitons de cette victoire entrevue de Hollande pour spéculer sur l’avenir possible des droites et de leurs marges, au sens très large (du MoDem au FN).

En cas de défaite du Président sortant, celui-ci sera le deuxième Président élu au suffrage universel à rater sa réélection. L’échec sera cuisant, modéré par le fait que l’alternance apparaît inévitable (10 ans de pouvoir et une crise économique profonde) mais renforcé par un score qui s’annonce net.

3. Dans ces conditions, le Président sortant peut-il espérer se maintenir à la tête de la droite ?

Bien entendu, lui-même a dit qu’il ne le souhaitait pas. Bien entendu, la concurrence s’annonce forte et le parti est aux mains d’un néo-fidèle qui sera le premier des Brutus. Bien entendu, l’étiage catastrophique de la droite parlementaire et la renaissance relative du FN (certes vécue comme une défaite par Le Pen fille au regard des sondages du début 2011, mais tout de même non négligeable si l’on se remémore le crépuscule du père) au premier tour ne pourront que créer un grand chambardement.

Mais je ne parviens pas à y croire. Sarkozy est né dans la politique, il n’a presque connu que cela. Carla n’est probablement attachée à lui que parce qu’il est et pourrait redevenir le chef de l’Etat. Sarkozy fonctionne aussi dans la revanche. VGE a bien tenté de revenir, tout au long de la décennie 1980 (et même un peu au-delà…).

Sarkozy peut se dire qu’en 1988, Chirac était au fond du trou, politiquement et personnellement, mais qu’il a réussi à reconquérir le RPR et qu’en 1995, il a réussi contre une large partie de la droite. Il peut en outre profiter d’un paysage de droite très émietté (qui’il a largement contribué à façonner, d’ailleurs), dans lequel les oppositions personnelles peuvent lui laisser l’avantage de celui qui a déjà incarné le leadership et qui peut presque passer pour le plus petit dénominateur commun. La capacité de nuisance de Sarkozy est bien plus importante que celle de VGE après 1981.

Certes, cela ne sera pas facile pour lui: outre le problème Copé, déjà évoqué, les électeurs de droite en voudront à Sarkozy d’avoir perdu et ceux flottants entre FN et droite parlementaire encore davantage de les avoir finalement floués deux fois, après 2007 et avant 2012. Quant aux fidèles de Sarkozy, nombre d’entre eux pourront lui en avoir de les avoir insuffisamment et tardivement récompensés, les portefeuilles ministériels allant à l’ouverture, aux chiraquiens ou aux trop fraîchement convertis.

Je pense donc que Sarkozy ne pourra s’empêcher de tenter de revenir. Ce sera cependant bien difficile

4. En effet, comme VGE, Sarkozy sera déjà l’homme du passé, car le rythme s’accélère et que les ambitions sont déjà affutées pour 2017. L’américanisation de la vie politique française se manifestera là aussi: un échec dans la réélection est un handicap trop lourd. D’une certaine manière, Mitterrand, après 1981, avait choisi Chirac comme adversaire plus « clivant » et donc plus facile à affronter. Certes, Hollande pourrait avoir intérêt à une nouvelle confrontation avec Sarkozy en 2017, mais Copé est probablement encore davantage attirant, car il est une sorte de Sarkozy-bis (dans la suspicion de l’amour de l’argent et de la fréquentation des puissants, dans le côté « clivant » et droitier), mais avec en plus des tares rédhibitoires ou presque pour le bon peuple français: il est libéral en économie (Sarkozy est beaucoup plus colbertiste) et c’est un technocrate… Idéal pour s’assurer une réélection facile en 2017 !

Comme Chirac après 1988, toutefois, il pourra jouer des divisions à droite. Chirac avait en effet réussi à passer de multiples obstacles: rénovateurs, Michel Noir, « bande à Léo », souverainisme Pasqua-Séguin,… A chaque fois il a su s’appuyer sur le parti et sur Juppé en interne, sur les « vieux » face aux « jeunes », sur des alliés externes (à l’UDF). Chirac avait en effet bénéficié du soutien de l’appareil et sa victoire, avec Juppé, sur Pasqua-Séguin avait été l’élément essentiel, même si l’adoubement de ce dernier par Mitterrand fin 1992 avait fait passer le boulet assez près. Chirac avait aussi joué sur l’absence d’une UDF forte et réellement concurrentielle: Léotard s’était révélé incapable de la structurer suffisamment (comme Borloo aujourd’hui avec l’ARES mort-née), Balladur était bien membre du RPR et non de l’UDF (un peu comme Juppé ou Fillon aujourd’hui, que l’on n’imagine créant ou même tentant de créer un parti concurrent de l’UMP).

En fait, le problème de Sarkozy, c’est la présence de Copé à la tête de l’UMP, position que Chirac n’avait jamais réellement abandonnée ou avait confiée au fidèle Juppé. C’est bien ce qu’il a tenté avec Bertrand, mais sans succès, celui qui est un bon ministre technique se révélant un très piètre chef de parti.

Mais le grand flou régnant au sein de l’UMP peut l’avantager.

5. Comme au PS, au sein duquel les vieux clivages historiques, qui avaient une véritable « légitimité », se sont estompés pour être remplacés par des « écuries » plus ou moins présidentielles, les tendances de la droite UMP sont de moins en moins structurées autour de véritables courants de pensée.

– Le gaullisme, historique comme social, semble avoir disparu. MAM n’est plus en mesure d’avoir une réelle influence: son heure est passée. Quant à Fillon, sa pratique barriste (tant dans la rigueur que dans un certain libéralisme) l’a fortement éloigné du séguinisme. En outre, Fillon a-t-il véritablement l’envie de se battre pendant 4 ans pour devenir le futur adversaire de Hollande ? On peut en douter. De plus, il n’a que peu de troupes et peu de soutiens au sein du parti. De surcroît, il s’attache lui-même une tonne de plomb au pied avant de plonger: quel intérêt à aller tenter de s’implanter à Paris, alors que le temple du boboïsme a très, très peu de chances de basculer en 2014 (n’est pas Boris Johnson qui veut…) et qu’en outre, tant Sarkozy que Copé soufflent sur les braises « datiennes » de manière quasi-caricaturale pour être certain que Fillon sera mortellement blessé dès 2012. Vraiment, que va-t-il faire dans cette galère… Fillon va connaître un destin à la Rocard: Premier ministre n’ayant pas démérité, son ancien chef fera tout pour le perdre et Dati jouera le rôle du Tapie des européennes de 1994…

– Le chiraquisme a encore de beaux restes, mais il connaît probablement un trop-plein de seconds rôles, tous tentés par les premeirs rôles, un peu comme au PS des années 2000. Certes, il y a la figure tutélaire d’Alain Juppé, mais même lui concède que l’âge l’écarte d’ores et déjà pour 2017. Derrière, Baroin, Pécresse, Le Maire, Apparu, techniquement solides (ou moins fragiles qu’avant, dans le cas de Baroin…) apparaissent encore bien tendres et/ou bien « individuels » pour parvenir à constituer un groupe fort. Leurs querelles au moment du remaniement ministériel de l’été 2011 n’augurent en outre rien de bon. Il y a donc là un vrai courant, mais qui va mettre du temps à se trouver un leader incontesté.

– Le pôle environnemental et social est très divers et très jalousé: NKM risque de pâtir de son rôle de porte-parole, même si elle a un atout majeur, la « modernité » personnelle et politique, qui la rend médiatico-compatible; Bertrand est durablement étiqueté comme « chouchou »; Wauquiez navigue plus à droite et fait déjà beaucoup d’envieux; Barnier est définitivement hors de la politique nationale. A n’en pas douter, il y a là de l’avenir (NKM plus à gauche, Wauquiez plus à droite), mais il n’est pas pour tout de suite. En cas de primaires en 2016 et de neutralisation des « gros » (Sarkozy, Copé, voire Fillon, Juppé), ils ont leur chance, notamment Wauquiez, qui raisonne déjà comme un Romney (gagner à droite en interne, faire campagne au centre au niveau national).

– Le « sarkozysme de base » (Dati, Morano, Estrosi, Lefebvre,…) est hétéroclite et chaotique. Il peut aider son ancien patron à créer la confusion et à tirer sur tout ennemi un tant soit peu entreprenant (tels des Cambadélis, Bartolone ou Assouline de droite… avec le succès que l’on sait en termes d »image et de rassemblement…), mais il ne peut prétendre à être un courant structuré et incarné en dehors de son chef.

– La « droite populaire » ne peut prétendre aux premiers rôles (Mariani n’est pas crédible; Valérie Boyer, prometteuse, est bien trop « tendre » et loin d’être certaine de prendre la mairie de Marseille, ce qui lui assurerait un tremplin national), mais elle a potentiellement une capacité de nuisance importante. D’abord, elle est nombreuse et structurée. Ensuite, elle est forte là où la droite est forte (dans l’Est et le Sud-Est). Enfin, elle pose l’une des questions stratégiques majeures: que faire du FN, en réalité résurgent, même si pas à 20% ? De manière secondaire, elle est en mesure de capter, à travers certains de ses porte-parole, le souverainisme de droite, un peu orphelin des Pasqua et Séguin.

– Le pôle « centriste » de l’UMP et la « droite humaniste » posent l’autre question stratégique majeure: que faire du centre-droit, orphelin depuis la réduction de l’UDF à une simple chapelle personnelle de Bayrou, alors que les résultats de toutes les élections et les faiblesses régionales (grand Ouest, voire Rhône-Alpes) montrent qu’il manque une jambe à la droite. Ils auront d’ailleurs un problème de positionnement interne, comme ceux du parti radical qui restent à l’UMP. Outre que certains des chefs ne sont plus en âge de guigner les premiers rôles (Méhaignerie, Daubresse, Léonetti) ou ont trop « brûlé de ponts » (Jégo), leur avenir ne peut résider raisonnablement dans la conquête de l’UMP, qui est par trop l’héritier du RPR. Ils ne peuvent prospérer qu’à l’extérieur du parti.

– Les « libéraux » sont confrontés à une situation semblable, bien que leurs destins soient probablement à la dissolution à l’intérieur comme à l’extérieur. Les « Réformateurs » Novelli et Devedjian, de même que Longuet et Chatel, ont probablement davantage d’avenir au sein de l’UMP qu’à l’extérieur, car ils incarnent aussi un positionnement plus « dur » de la droite (même si Devedjian a beaucoup évolué; mais il ne représetne plus que lui-même). En revanche, les « giscardiens » évolueront probablement en dehors de l’UMP, Raffarin et son fidèle Bussereau suivant probablement la trajectoire d’Hervé de Charette et sa Convention démocrate. Il en est de même des « sociaux-libéraux » (Bockel, Besson).

– Les « conservateurs sociaux » (PCD de Boutin et « queue de comète » du villiérisme) connaissent un tiraillement un peu similaire: trop faibles à l’intérieur et à la fois sociaux et durs, ils ne savent pas réellement à qui se rallier; mais trop faibles aussi à l’extérieur où le grand écart entre les ex-UDF les plus traidtionnels et certains courants catholiques de droite dure est impossible à assumer durablement.

– Finalement, il convient de souligner que Copé semble être au carrefour de beaucoup de courants, ce qui en fait assurément l’ennemi n°1 d’un éventuel retour de Sarkozy et de l’émergence de tout autre leader alternatif:
il dirige l’appareil, on l’a dit,
il est d’origine juppéo-chiraquienne et peut toujours compter sur ceux (comme Baroin ou Villepin) qui continuent de voir dans le sarkozysme un avatar tactique du balladurisme (tout cela n’a plus de sens idéologique, mais c’est un peu comme dans les querelles durables Mitterrand-Rocard ou, plus exactement, Jospin-Fabius: on se déteste, c’est tout),
il s’est « libéral-isé » et peut séduire ce petit courant actif de l’UMP,
il s’est « droitisé » et est largement compatible avec la droite de l’UMP.

En outre, l’UMP a du mal à faire émerger de nouveaux leaders issus de la « base » politique locale. Christophe Béchu est l’exception qui confirme la règle. La plupart sont des « parachutés » d’en haut (ce n’est d’ailleurs pas une spécialité de la droite: Fabius, Hollande, Aubry, Moscovici, Valls, etc. sont tout sauf des produits de la politique locale): NKM, Baroin, Pécresse,… Wauquiez réussit partiellement à le faire oublier et c’est ce qui fait aussi une partie de sa force potentielle.

Etre structurellement fort dans le Sud-Est ou le Grand Est n’est par ailleurs pas forcément favorable à l’émergence de leaders plus modérés et plus rassembleurs sur le plan national.

6. Ce positionnement interne porteur de Copé est d’autant plus vrai que le centre extérieur à l’UMP est en décomposition et ne paraît pas en mesure de se reconstruire rapidement et clairement. La personnalisation et la présidentialisation de la politique française (le premier trait n’étant pas du tout spécifique à la France, contrairement à ce que veulent bien nous dire les thuriféraires des régimes parlementaires) requièrent d’un courant politique qu’il ait d’abord un chef incontesté. Borloo aurait pu jouer ce rôle, mais il est manifestement incapable d’être un leader ou même d’avoir lui-même les idées claires sur ce qu’il veut faire. Bayrou est trop solitaire et désormais dépassé, après ce qui s’annonce comme un échec net. D’autres sont trop jeunes (Lagarde) et/ou sont « trop UMP » (NKM, Juppé).

De fait, la malédiction de l’UDF, qui n’a jamais su trouver un chef depuis VGE, se poursuit. Barre n’a jamais voulu être un homme de parti et était trop solitaire et marginal. Balladur était un chef de substitution, mais restait extérieur et n’aurait utilisé l’UDF, après 1995, que comme force d’appoint éternelle.

D’une certaine manière, le choix de Bayrou aura peu d’importance pour la suite, tant il sera marginalisé. Il peut arriver à négocier une place dans la future droite s’il ne reste pas sur son quant-à-lui, mais il sera de toute façon au sein d’un centre-droit atomisé et contesté. Ou il peut se couper définitivement et finir comme Villepin. Mais cela aura peu de conséquences pour les autres car il sera, au mieux, un parmi d’autres dans la mosaïque du centre-droit: voir les différences tendances du NC, du groupe centriste au Sénat, du MoDem et au sein même de l’Alliance centriste est risible; il y a presque autant de centres que de centristes… (quelquefois, certains élus, comme Thierry Benoît, semblent même héberger en eux-mêmes plusieurs tendances…).

De l’autre côté, le FN ne s’est pas réellement modernisé. La pseudo-entreprise de dédiabolisation est largement une construction médiatique. Les activistes du FN restent basiques et Marion « Marine » Le Pen est revenue aux « fondamentaux » après l’affaire Merah. Ainsi que j’ai déjà pu l’écrire, tous ceux qui auraient eu intérêt à s’allier avec la droite classique (les « technocrates », les « intellectuels », les « barons locaux traditionnels », notamment) ont quitté le parti, qui reste une machine familiale repliée sur elle-même et qui a surtout vocation à se perpétuer. Seul l’appétit personnel de pouvoir de Le Pen fille et de Louis Aliot pourrait, à terme, les pousser à se modérer réellement et à accepter de passer en dessous de 10% en échange de prébendes locales voire de portefeuilles ministériels. Mais leur culture du « ni droite ni gauche » est forte; la base personnelle de Le Pen fille est dans le Nord-Pas-de-Calais, évidemment pas dans les Alpes-Maritimes, ni dans l’Est, ni même à Marseille; le succès relatif de 2012 (en comparaison des vaches maigres de 2007-2009) fera de nouveau rentrer de l’argent dans les caisses. Tous éléments qui ne plaideront pas pour une évolution à l’italienne.

L’UMP et ses satellites (parti radical et l’essentiel du NC) restent donc le coeur de la droite et le resteront durablement. N’oublions pas que le ressort essentiel de l’action politique, ce sont l’argent et les réseaux d’élus locaux. Or, l’argent public pour le financement des partis est déterminé par les candidatures et des résultats aux élections législatives, comme l’ont bien compris, dans des genres différents, Pierre Laurent, Cécile Duflot, Christine Boutin ou Laurent Hénart.

Non, on ne crée pas de grand parti après les élections, mais juste avant. L’UMP, issue de l’UEM, a été lancée avant les législatives de 2002 et a réussi pour cette raison, alors que l’autonomisation de DL par rapport à l’UDF réduite à Force Démocrate, en 1997-98, après l’élection, a été un échec. Aujourd’hui, créer de nouveaux partis de droite entre le 6 mai et début juin apparaît impossible, faute de leaders de remplacement (et Copé est déjà à la tête de l’UMP), faute de temps et faute de force psychologique après une défaite traumatisante.

Déjà, le mode de financement public des partis a tendance à dissuader les divisions mais, en plus, la conjoncture paraît peu propice. Les grands changements à droite ne sont pas si fréquents: le RPR a surtout consisté en une nouvelle « personnalisation » de la structure gaulliste et l’UDF n’a été puissante au début de son existence que parce qu’elle soutenait le Président en exercice; quant à l’UMP, elle est effectivement la seule grande restructuration de la droite depuis les années 1970, voire 1960; sinon, les différents changements de partis n’ont consisté qu’en des transformations sans renforcement de partis existants (DL; FD), ou en des divisions (MoDem et NC) ou encore en des avatars de micro-courants sans influence réelle (PRILE, PPDF, AC,…). Seule l’ARES, si elle s’était véritablement structurée aurait pu, cahin-caha, poser les bases d’un futur parti solide et assez riche.

7. Copé est enfin idéalement placé au sein de la droite dans le scénario le plus probable.

– En effet, le bipartisme devrait de nouveau prévaloir, avec une reconstitution lente et chaotique de l’UDF et une UMP « recentrée » sur la droite plus classique. Dans ce cas de figure, l’UMP resterait la force principale de la droite et du centre-droit, tant la nouvelle UDF serait encore plus kaléidoscopique que l’ancienne:
éventuellement centre du centre, avec le MoDem de Bayrou, délesté des Bennahmias et Wehrling,
centre-droit du centre avec Arthuis,
centre du centre-droit avec le NC, lui-même explosé entre Morin, Lagarde, Leroy, Sauvadet et consorts, mais aussi avec Méhaignerie et Daubresse,
droite du centre-droit avec Borloo et le parti radical, mais aussi Raffarin, Charette et les « sociaux-libéraux »,
voire gauche de la droite, si NKM ou Bertrand sentent des « opportunités » à l’extérieur de l’UMP.

Cette nouvelle UDF (soit que l’ARES soit pérennisée, soit que l’UDF soit sortie du formol si Bayrou est de la partie) ne peut que rester un champ de guérillas permanentes, entre les vieux qui croiront toujours en leur destin mais qui resteront toujours aussi impuissants et velléitaires (Bayrou et Borloo) et les jeunes qui voudront enfin tenter leur chance (J.C.Lagarde voire NKM). Surtout, on n’imagine pas Juppé ou Fillon (les seuls qui auraient davantage de chances de parvenir à unifier ce pôle assez rapidement et plus solidement) quittant l’UMP, héritier du RPR et qu’ils ont contribué à fonder.

Copé ne peut finalement que souhaiter une telle situation, plus complémentaire électoralement et permettant de « ratisser » plus large (contrairement à la conception étriquée de Sarkozy, qui a fait fuir des électeurs modérés vers Bayrou, puis DSK, puis Hollande, sans donner la possibilité à un Borloo de les retenir), mais assurant le primat de l’UMP, plus libre de chasser les électeurs du FN.

De manière alternative, mais beaucoup moins probable, la droite pourrait se structurer autour de 3 grands courants, pas vraiment héritiers des droites de René Rémond, mais assez cohérents.

Un pôle de centre-droit cohabiterait avec un courant traditionnel chiraquien et radicalo-gaulliste si l’on veut et avec une droite « nouvelle », plus dure et prête au rapprochement avec un FN modernisé. Ce cas de figure serait plus incertain pour Copé, car il serait à la jointure des droites traditionnelle et dure. Sarkozy serait un peu sur le même créneau, mais sa stature un peu plus importante (simplement liée au fait qu’il aura été Président) lui permettrait probablement de moins pâtir d’une telle césure.

Toutefois, cette hypothèse paraît nettement moins probable et il resterait à Copé (ou à Sarkozy) la possibilité de rester à la tête d’une UMP re-chiraquisée, la droite dure servant simplement de rabatteur extérieur et plus libre de ses mouvements, plaçant mécaniquement l’UMP « canal historique » dans une position un peu plus modérée et donc « vendeuse ».

8. Au terme de ce panorama quelque peu décousu, comme l’est la droite au seuil de la chute de son leader écrasant des… 8 dernières années (je compte depuis que Sarkozy a pris l’UMP), il semble bien que le combat opposera donc Copé et Sarkozy, ou n’aura pas lieu si Sarkozy se retire. En tous les cas, on peut parier sur une primauté de l’UMP de Copé. La logique institutionnelle et financière le veut d’ailleurs. La capacité à organiser des primaires en 2016 (si elles ont lieu… car encore faudra-t-il que Bertrand, Wauquiez, NKM, Baroin ou Précresse soient en mesure de les imposer…) sera réservée au premier parti de droite et il saura alors concentrer l’attention sur lui, comme l’a fait le PS (même si cela n’empêchera pas l’émergence éventuelle d’un Mélenchon de droite).

Malheureusement pour la droite, la victoire interne de Copé risque bien d’être l’assurance de la réélection de Hollande. Trop  « sarkozyen » sur le plan personnel, trop cassant et technocrate sur le plan politique, trop impatient et pressé sur le plan stratégique, il est peu probable qu’il parvienne à faire mieux que Sarkozy 2012. Surtout que la droite n’aura probablement pas encore résolu le problème du FN, incapable de faire le même travail que Mitterrand à l’égard du PCF.

Alors, qui en 2022 ?…

Dernier sondage CSA et sondage quotidien IFOP: le resserrement de l’écart avec Sarkozy n’affaiblit pas Hollande

 

CSA
20 Minutes, BFM TV, RMC
20 février 2012
échantillon: 891 électeurs inscrits parmi un échantillon total de 1014

Hollande 28
Sarkozy 27
Le Pen 17
Bayrou 11
Mélenchon 9
Joly 3
Villepin 2
Arthaud 0,5
Poutou 0
Dupont-Aignan 1,5
Lepage 0,5
Nihous 0,5

Hollande 56
Sarkozy 44

1. Ce sondage CSA avait déjà fait quelque bruit en milieu de semaine. Je ne le publie qu’aujourd’hui, mais il correspond bien à la tendance du sondage IFOP quotidien:

L’écart entre Hollande et Sarkozy n’est plus que de 1 point, ce qui excite l’Elysée et les médias dans l’espoir (ou l’inquiétude) d’un croisement des courbes qui n’a plus été vu depuis la « chute de DSK » ou même l’émergence de Le Pen au début de 2011. Un tel croisement des courbes devrait avoir un effet psychologique certain, de par le simple effet médiatique créé. Et logiquement, devrait s’en suivre une dynamique favorable à Sarkozy.

Mais il n’en sera rien, de manière quasi certaine.

Si le croisement aura peut-être lieu, il n’est pas fondamentalement dû à une réelle remontée du Président sortant. Celui-ci a certes gagné du terrain depuis son entrée en campagne. Mais c’est l’effet de plusieurs facteurs qui ne devraient pas se prolonger, voire qui devraient reculer:
– le retrait de Boutin, Morin et Nihous lui assure mécaniquement quelques dixièmes de points,
– le bruit médiatique lié à son entrée en campagne est déjà en train de refluer et n’est de toute façon pas reproductible,
– il a pu grignoter sur Le Pen par un apparent durcissement (encore qu’il s’agisse davantage de bonapartisme que de lepénisme), mais va vite trouver la limite de ce mouvement, même si la cacophonie qui caracvtérise la candidature Le Pen ces derniers temps fera peut-être encore reculer celle-ci, mais davantage vers l’abstention que vers Sarkozy, dont certaines initiatives remâchant le passé ne montrent ni originalité, ni cohérence et auraient plutôt le goût de l’échec (le retour en grâce de Dati en est le pire exemple… on peut même se demander s’il ne s’agit pas d’un coup Sarkozy-Copé contre Fillon…).

Quant à Hollande, sa décroissance se fait en réalité au profit, marginalement, de Mélenchon, mais plus sûrement de Bayrou. Or, nous avons vu que les reports Bayrou vers Sarkozy ne s’améliorent pas. Bayrou n’agit pas comme un sas pour Sarkozy pour récupérer ces électeurs de centre et de centre-droit qui lui font défaut.

Hollande a donc encore de la marge, avant de véritablement souffrir d’une perte de dynamique. Il a plusieurs « assurances » pour le protéger:
– son score au second tour ne faiblit pas véritablement, si l’on en juge aussi par le sondage quotidien IFOP:

l’anti-sarkozysme, qui est l’explication de ce maintien au score, reste entier, comme le montrent les résultats qualitatifs des sondages, y compris ceux qui montrent la remontée la plus nette de Sarkozy,
Mélenchon continue de couvrir sa gauche et de lui permettre d’éviter, au centre l’émergence trop rapide de Bayrou (même Hamon se met à juger que la campagne de Bayrou patine… n’est-ce pas le signe de ce qui est la véritable inquiétude du PS ?); il est probable que, faute de mieux pour agrémenter le « show », les médias vont se remettre à parler de Bayrou et que Lepage, si elle obtient ses 500 signatures (ce dont je doute toujours très fortement), pourrait atteindre les 2%; mais ce phénomène ne peut être que d’ampleur limitée, tant Bayrou a été incapable de rebondir sur son émergence initiale et tant Sarkozy a solidifé sa base de droite, qui ne devrait plus lui échapper vers le centre,
– de manière secondaire, Villepin et Dupont-Aignan (même si le premier semble loin d’être assuré d’avoir ses signatures) continueront de frapper Sarkozy et, d’autant plus si elle baisse dangereusement vers les 15%, Le Pen devrait l’attaquer de plus en plus durement, histoire de refaire son retard dans cette France boutiquière, dans cette France « beauf » du Sud-Est et dans cette France rurale « lointaine de la capitale » de l’Est, dans lesquelles Sarkozy re-grignote quelque peu, comme en 2007.

Le « tout sauf Sarkozy » ne peut que bénéficier à celui qui est en tête dans les candidats non-Sarkozy…

2. En tous les cas, les symétries Bayrou/Hollande, Sarkozy/Le Pen et Mélenchon/Joly sont confirmées. Je répète qu’il ne s’agit pas uniquement de transferts directs, mais l’idée globale est là et montre que Sarkozy ne parvient pas à regagner là où il va perdre l’élection: non pas « au peuple », comme on nosu le ressasse à longueur de journée, mais « au centre ».

D’ailleurs, ce sont ces modérés que nous pouvons suivre: séduits par DSK (désolé, une fois de plus, pour cette image de mauvais goût… ;)), portés sur Borloo (euh… portés ? ;)), emportés par Hollande dans l’euphorie de la primaire, revenus sur Bayrou en décembre 2011, repartis en partie sur Hollande fin janvier et revenant maintenant sur Bayrou, bref passés presque partout, sauf chez Sarkozy…

Ce sera la revanche de la France du « oui », mais au détriment de Sarkozy: curieux dénouement pour celui qui aura assuré la signature du traité de Lisbonne et celui qui aura contribué, quoi qu’on puisse penser de lui par ailleurs, à sauver au moins provisoirement l’euro… notamment malgré Merkel et sans Cameron.

Cela augure de déconvenues fortes pour le PS par la suite… mais les barons auront gagné quelques maroquins ministériels: ils pourront se permettre de perdre les élections locales en 2014-2016…

Dernier sondage LH2: François Hollande toujours dominant, François Bayrou émergent, Dominique de Villepin marginalisé

 

LH2
Yahoo!
21-22 octobre 2011
échantillon: 813 électeurs inscrits parmi un échantillon total de 953

Hollande 39 (+8)
Sarkozy 24 (+3)
Le Pen 14 (-1)
Mélenchon 6,5 (-1,5)
Bayrou 8,5 (+0,5)
Joly 5 (-2)
Villepin 1,5 (-0,5)
Arthaud 0,5 (=)
Poutou 0 (=)
Dupont-Aignan 0,5 (+0,5)
Boutin 0 (-0,5)
Morin 0,5 (+0,5)
Lepage 0 (=)

Hollande 60 (=)
Sarkozy 40 (=)

1. Ce sondage LH2 est plus proche du sondage BVA que des sondages CSA et IFOP: se confirme ici l’intérêt de disposer d’un échantillon suffisant pour disposer d’au moins 900 électeurs inscrits et 1000 de préférence, plutôt que seulement 800 ou 850.

2. François Hollande est en effet de nouveau à 39%, ce qui est manifestement excessif. Sa domination est cependant confirmée:
– il est à 41% parmi les employés et ouvriers, contre seulement 18% à Nicolas Sarkozy et 24% à Marine Le Pen; il est ultra-dominant parmi les professions intermédiaires (cadres moyens probablement);
– il parvient à arracher la première place chez les 65 ans et plus: 39-38 contre Nicolas Sarkozy et le bat chez les retraités, 36% à 32%, Marine Le Pen étant quand même à 13%; celle-ci atteint d’ailleurs les 17% chez les 50-64 ans contre seulement 18% à Nicolas Sarkozy.

3. Les autres tendances se confirment, même si à des niveaux différents, Eva Joly et Jean-Luc Mélenchon étant très élevés dans le précédent sondage LH2:

Dominique de Villepin est désormais passé de la catégorie des candidats moyens à celle des petits candidats, probablement par manque d’exposition médiatique et par intégration du caractère moins probable de sa candidature; peut-être aussi que le groupe Canal+, grand promoteur traditionnel de la candidature Villepin depuis 2007 (à l’inverse de la vulgate servie pendant l’année cPE en 2006… mais alors, le nom de Villepin n’était pas encore tout à fait l’antithèse absolue de Nicolas Sarkozy…), a trouvé moins de temps pendant la primaire du PS pour l’ancien Premier ministre…

François Bayrou, à la faveur de cet effacement et du retrait de Jean-Louis Borloo, émerge comme le « quatrième homme ».

Jean-Luc Mélenchon semble réellement stoppé et Eva Joly glisse lentement vers le bas.

– Les autres candidats sont insignifiants, en particulier Hervé Morin et Corinne Lepage, incapables de reprendre à eux seuls le créneau Borloo.

4. Les reports de voix confirment les éléments déjà analysés chez les autres sondeurs:
– l’électorat Bayrou se répartit à 64-36 vers François Hollande,
– l’électorat Le Pen est lui aussi favorable à François Hollande, à 56-44, ce qui est probablement exagéré mais témoigne d’un pouvoir d’attraction de François Hollande temporairement impressionnant, que même DSK n’aurait probablement pas eu,
– l’électorat Mélenchon se reporte à 87-13 sur François Hollande, ce modeste 13% montrant peut-être qu’un certain souverainisme n’est pas désespéré de Nicolas Sarkozy: une piste à creuser pour le Président ? Peut-être, même si les ballets internationaux rendraient peu crédible un réveil gaullo-séguino-guainoiste de sa part…

Ce grand éventail offert à François Hollande devrait logiquement le conduire à jouer de l’émergence de François Bayrou contre les Verts historiques et contre une partie de la « gauche de la gauche ». Le même sondage montre d’ailleurs que le souhait d’alliance avec Bayrou est légèrement majoritaire chez les sympathisants de gauche et du PS et s’approche du niveau des souhaits équivalents pour Mélenchon. Une piste à creuser pour le candidat du PS ? Tactiquement, c’est probable.

Paradoxalement, François Bayrou, qui a peu de chances de rééditer son exploit de 2007 (justement parce qu’il a déjà eu lieu et que Ségolène Royal n’est plus candidate), pourrait être plus central aujourd’hui:
moins menaçant à l’égard du PS, celui-ci accepterait mieux d’en faire un appoint utile en période de crise, un peu à la manière des Libéraux-Démocrates pour David Cameron (ce sont eux qui ont le plus pâti du rigorisme du Chancelier de l’Echiquier Osborne, pas tellement les Conservateurs); en outre, François Bayrou n’était pas loin d’une grande alliance avec le PS en 2007, s’il n’y avait eu la maladresse d’entre-deux-tours de Ségolène Royal et la force de l’appareil;
Nicolas Sarkozy ayant lui-même détruit le centre-droit et le pseudo-gaullisme modéré (censément incarné par Dominique de Villepin), il ne lui reste que François Bayrou avec qui discuter.

Bien entendu, c’est le Président de la République qui aura le plus besoin de lui et c’est pourtant davantage vers le président du conseil général de Corrèze que François Bayrou serait susceptible de se tourner. Voici probablement un des « jeux » qui devraient occuper la fin de 2011 et le début de 2012, sauf si Marine Le Pen réalise un retour.

Dernier sondage IFOP: François Hollande dominant dans tous les compartiments

 

IFOP
JDD.fr
18-20 octobre 2011
échantillon: 941 électeurs inscrits parmi un échantillon total de 1003

Hollande 35 (+6)
Sarkozy 25 (+1,5)
Le Pen 17 (-1,5)
Mélenchon 6 (=)
Bayrou 6,5 (+0,5)
Joly 4,5 (-1,5)
Villepin 2 (-0,5)
Arthaud 0,5 (+0,5)
Poutou 0,5 (=)
Chevènement 0 (-0,5)
Dupont-Aignan 0,5 (=)
Boutin 0,5 (=)
Morin 1 (+1)
Lepage 0,5 (+0,5)
Nihous 0,5 (=)

Hollande 60 (+1)
Sarkozy 40 (-1)

1. Ce sondage IFOP est très proche du récent sondage CSA et place le sondage BVA, qui avait volontairement exclu tout autre candidat de droite et de centre-droit que Nicolas Sarkozy, dans la catégories des outliers (données aberrantes, littéralement), ainsi que les Anglo-Saxons qualifient les sondages s’écartant de manière excessive et très probablement erronée de la tendance et/ou des niveaux des autres sondages.

Bien entendu, chez l’IFOP, François Bayrou est plus bas que chez CSA, qui tend, depuis 2007, à le sur-évaluer quelque peu, et Eva Joly y est légèrement plus élevée. Toutefois,  en considérant que l’IFOP prend en compte TOUS les candidats possibles (que ce soit les Dupont-Aignan, Boutin, Villepin, Arthaud et Poutou, mais aussi les Morin, Lepage, Nihous, Chevènement, plus récents et/ou plus incertains, ce dont l’IFOP peut être félicité et ce qui confirme son caractère décidément plus fiable), il n’est pas illogique que CSA place François Bayrou plus haut.

2. François Hollande apparaît de nouveau comme le grand favori, au premier comme au second tour. L’analyse des chiffres détaillés du second tour est impressionnante:

dans les catégories d’âge, il gagne partout, sauf chez les plus de 65 ans, parmi lesquels il est à 50-50 avec Nicolas Sarkozy, signe d’une grande faiblesse de ce dernier, dont cette tranche d’âge a toujours constitué le bastion fidèle et l’ayant peu déserté, même dans les années les plus difficiles pour lui. François Hollande, tout en conservant à la gauche les plus jeunes, confirme ici son attrait auprès des plus âgés, déjà relevé lors de la primaire du PS;

dans les catégories socio-professionnelles, il domine partout, sauf chez les commerçants et artisans, mais cette catégorie constitue un échantillon très faible; il est écrasant chez les ouvriers (76-24), mais aussi chez les professions libérales et cadres supérieurs (64-26), qui ont déjà « oublié » Martine Aubry et préfèrent le « modéré » Hollande (mild-mannered nous dit The Economist) à la crispante et crispée Eva Joly; il l’emporte même chez les indépendants et employeurs (51-49), ce qui devrait réellement inquiéter Nicolas Sarkozy même si ce résultat est probablement conjoncturel; seuls les employés ne lui réservent pas une majorité aussi écrasante qu’il pourrait être spontanément envisagé: 62-38 tout de même…

– géographiquement, il est majoritaire partout, notamment en province, un peu moins en Ile-de-France, tendance déjà repérée pendant la primaire; sa seule vraie faiblesse est dans le Sud-Est, où la force combinée des candidatures Montebourg (tant en Rhône-Alpes qu’en PACA), Royal (le long du littoral méditerranéen) et Aubry (essentiellement dans les Savoies et les Alpes en général) l’avaient affaibli et ne lui avaient laissé que le Languedoc-Roussillon frêchiste et la Corse radicale de gauche;

parmi les électeurs du MoDem, il triomphe 59-41 et même 75-25 chez les anciens électeurs Bayrou de 2007, il est vrai composés d’un fort contingent d’électeurs socialistes frustrés par la candidature Royal; il est même à 50-50 chez les sympathisants FN et à 47-53 chez les électeurs Le Pen de 2007, niveaux là encore inquiétants pour Nicolas Sarkozy même si probablement destinés à diminuer au cours de la campagne qui « gauchira » forcément François Hollande.

3. Il est également dominant car l’émergence de Jean-Luc Mélenchon en septembre et début octobre ne se confirme pas du tout. Celui stagne de nouveau à 5-6%. Meilleure nouvelle encore, Eva Joly subit la même érosion dans tous les instituts et s’éloigne de la barre des 5%. De ce point de vue, une plus grand fermeté des socialistes dans leurs négociations législatives avec EE-LV se justifie pleinement. L’extrême-gauche trotskysante reste insignifiante.

La progressive disparition de Dominique de Villepin ne profite même pas à Nicolas Sarkozy et l’émiettement de l’ancien électorat Borloo profite essentiellement à François Hollande, dont le calendrier de la désignation est, là encore, parfait puisqu’il peut profiter à plein du retrait de Jean-Louis Borloo. Hervé Morin et Corinne Lepage n’ont que les miettes.

4. Certes, Nicolas Sarkozy peut paraître hors de portée de Marine Le Pen. Mais Frédéric Nihous est probablement sous-estimé, de même que les candidatures « créneau » Boutin et Dupont-Aignan qui, une fois arrivée la campagne officielle, seront plutôt à 1 point qu’à un demi-point, avec l’absence de dynamique Sarkozy, un peu à la manière d’un Jospin en 2002, victime des « niches » Chevènement et Taubira. Cela peut représenter 1,5 à 2 points.

Surtout, la crise en Europe, si elle ne connaît pas un dénouement favorable, risque bien de remettre Marine Le Pen sur le devant de la scène, à la faveur d’éléments conjugués: inquiétude réelle sur une « hellénisation » ou une « lusitanisation » de la situation française; rejet d’un surcroît d’Europe, réel ou perçu comme tel; rejet des candidats du « système », que ce soit Franjçois Hollande ou Nicolas Sarkozy, dont la présence quasi-permamente et souriante au côté des « grands de ce monde », là encore réels ou supposés, dont la seule image extérieure est la descente de grosses cylindrées et les costumes impeccables, constitue une image terrible auprès de l’électorat populaire dont je parlais dans un article précédent.

Face au « petit provincial tranquille » (sorti pourtant de la botte de l’ENA) François Hollande, naturellement à l’aise au centre, quelles que soient ses déclarations passées sur les « riches », Nicolas Sarkozy ne pourrait espérer qu’une montée de l’extrême-gauche, peu probable, et/ou une poussée de l’électorat populaire partiellement lepénisé vers lui. Mais la manoeuvre peut-elle encore fonctionner 5 ans après et alors que ses résultats sécuritaires et économiques sont contestés dans les médias ?

5. Attaquer François Hollande sur la carrure présidentielle est sûrement un bon angle auprès de l’électorat de centre-droit que Nicolas Sarkozy a perdu, mais cela ne permettrait pas de profiter d’une éventuelle configuration d’élection à gagner « au peuple ». L’attaquer sur sa modération et son flou est également évident, mais ne garantit pas que Nicolas Sarkozy puisse se refaire une virginité auprès de cet électorat populaire, ouvriers, commerçants, artisans, très petits entrepreneurs, employés du privé, qui s’estiment largement floués depuis 2007; en outre, si l’élection évolue et doit se gagner « au centre », il ne se placerait pas idéalement.

En conservant « les deux fers au feu », Nicolas Sarkozy ne tranche pas, comme c’est le cas depuis 2007: vie privée/intimité, présidentialisation/tous azimuts, social/action économique internationale, environnementalisme/relance industrielle, libéralisme/jacobinisme industriel, etc. Lorsqu’un candidat n’a pas la dynamique, jouer sur 2 tableaux à la fois peut conduire à tout perdre.

François Hollande a choisi un créneau dès le début et n’en démord pas: la présidence normale. Il peut se tromper. Mais s’il a bien senti un mouvement profond, il gagnera sans trop de difficulté, quelles que soient ses erreurs de parcours (et il y en aura, EE-LV, Jean-Luc Mélenchon et quelques socialistes s’y préparant déjà).

Rendez-vous demain pour un indicateur agrégé qui aura pris une nouvelle figure, avec une nouvelle phase de l’élection (avec Hollande et sans Borloo), qui clôt la période post-DSK.

Derniers sondages CSA et BVA: l’effet de la primaire du PS et le retrait de Jean-Louis Borloo profitent à François Hollande

 

CSA
BFM TV, RMC, 20 Minutes

17 octobre 2011
échantillon: 859 électeurs inscrits parmi un échantillon total de 1010

Hollande 35 (+7)
Sarkozy 25 (+1)
Le Pen 16 (-2)
Mélenchon 5 (-1)
Bayrou 9 (+2)
Joly 3 (-1)
Villepin 2 (-3)
Arthaud 1 (-0,5)
Poutou 0,5 (=)
Dupont-Aignan 0,5 (=)
Boutin 1,5 (+1)
Morin 1 (+1)
Lepage 0,5 (+0,5)

Hollande 62
Sarkozy 38

Au premier tour, 13% ne se prononcent pas et 18% au second tour.

___________________________

BVA
RTL, Orange, presse régionale

17-18 octobre 2011
échantillon: 753 électeurs inscrits parmi un échantillon total de 950

Hollande 39 (+8)
Sarkozy 23 (=)
Le Pen 19 (+3)
Mélenchon 6 (+2)
Bayrou 7 (+1)
Joly 4 (-1)
Arthaud 2 (+1)
Poutou 0 (=)

Hollande 64
Sarkozy 36

1. François Hollande apparaît ainsi comme le grand vainqueur de cette séquence, sans véritable surprise. La sur-médiatisation, sa victoire franche, une incapacité de la droite à riposter intelligemment et un très bon positionnement du nouveau candidat socialiste le placent clairement comme le grand favori de la présidentielle.

Sa progression dans ces deux sondages doit certes être relativisée: l’institut BVA semble donner des scores quoi qu’il en soit plus élevés aux socialistes. Les échantillons en électeurs inscrits sont, comme souvent avec ces deux instituts, un peu « courts ».

Toutefois, l’absence de tout candidat de centre-droit ou de droite « alternative » dans le sondage BVA aurait dû donner un avantage à Nicolas Sarkozy: il n’en est rien, au contraire. Ainsi que je l’avais écrit, le retrait de Jean-Louis Borloo ne semble pas ou très peu profiter à Nicolas Sarkozy. Mais le sondage BVA nous montre que l’absence des hypothèses Villepin, Morin et Boutin semble même favoriser François Hollande.

2. François Bayrou est en effet le deuxième bénéficiaire de cette période. Logiquement, le retrait de Jean-Louis Borloo lui apporte un petit supplément d’intentions de vote, qui reste toutefois limité, d’autant plus dans la configuration retenue par BVA, où l’absence de Dominique de Villepin, voire de Christine Boutin, aurait dû lui servir davantage. De manière connexe, le plafonnement de l’hypothèse Hervé Morin à 1% montre bien que l’électorat de Jean-Louis Borloo était plus divers et plus attaché à sa personne qu’un simple parti nostalgique de l’UDF.

3. L’émergence de Jean-Luc Mélenchon ne semble pas se confirmer. Il ne bénéficie pas pour le moment du positionnement de centre-gauche de François Hollande, ce qui montre a posteriori la pertinence tactique du résultat de la primaire du PS. Une certaine lassitude à l’égard de la candidature Mélenchon, de sa forme et de ses manifestations médiatiques n’est pas non plus à exclure, encore plus en contraste avec l’apparence apaisée qu’adopte François Hollande.

4. La candidature d’Eva Joly semble suffire une désaffection encore plus prononcée et il est intéressant de noter qu’est confirmé le sentiment que j’indiquais précédemment: elle n’est pas en mesure de profiter du positionnement moins à gauche et moins « vert » de François Hollande. Sa personnalité comme son placement plus à gauche et « punitif » ne trouvent probablement pas un écho important. Ici, le choix de la primaire écologiste est au contraire remis en cause, tant Nicolas Hulot aurait pu mordre sur les électorats Bayrou et de centre-droit sans perdre la base Verte. Si Corinne Lepage est effectivement candidate (ce qui est toutefois sujet à caution), elle pourrait clairement occuper un créneau gênant pour Eva Joly et empêcher celle-ci de franchir le seuil des 5%, synonyme de remboursement des frais de campagne par l’argent public.

5. Le grand perdant reste cependant le Président sortant. Il ne bénéficie pas réellement du retrait de Jean-Louis Borloo. Mais il ne bénéficie pas non plus de l’absence de Dominique de Villepin (et de Christine Boutin) dans le sondage BVA, comme je l’envisageais d’ailleurs: voir le résultat nul des pressions exercées par l’Elysée pour obtenir le retrait de toutes les candidatures de centre-droit et de droite reste impressionnant.

En outre, l’absence de Nicolas Dupont-Aignan contribue probablement à renforcer encore une Marine Le Pen de nouveau plus menaçante à l’égard d’un Sarkozy incapable de solidifier ne serait-ce que 25% de l’électorat.

Soit Nicolas Sarkozy est capable de susciter l’équivalent d’une candidature Villiers ou, plus exactement, Pasqua, apte à affaiblir Marine Le Pen; soit il fallait laisser émerger et même soutenir un pôle de centre-droit qui lui aurait permis d’attaquer de front Marine Le Pen, tout en tentant, dans l’entre-deux-tours, un ralliement bien orchestré de Jean-Louis Borloo, promis à Matignon, avec une équipe plus européenne, plus écologique et plus « humaniste ». Au lieu de cela, Nicolas Sarkozy travaille lui-même au rétrécissement de sa base électorale.

Les résultats de second tour sont édifiants et confirment les « pronostics » déjà évoqués dans un article précédent, ainsi que les dispositions des électeurs à voter pour Nicolas Sarkozy ou pour François Hollande:
– 18% sont certains de voter pour François Hollande et 10% pour Nicolas Sarkozy,
– 39% jugent possible de voter pour François Hollande, 26% pour Nicolas Sarkozy,
– 39% estiment exclu de voter pour François Hollande, 61% pour Nicolas Sarkozy.

En réalité, 3/5 des Français souhaitent une défaite du Président sortant et en sont suffisamment certains pour en faire un pronostic probable. Ce « plafond de verre » pour Nicolas Sarkozy apparaît stable au moins depuis le printemps et rejoint les enquêtes de popularité.

6. Il convient à cette occasion de noter que, si François Hollande est devenu le candidat « attrape-tout », au même niveau que DSK avant sa chute, le niveau des électeurs certains de voter pour lui n’est pas très élevé: ce doit être un point de vigilance pour lui, afin d’éviter une concurrence à gauche ou au centre. Toutefois, seul François Bayrou pourrait être en mesure de le menacer; Jean-Luc Mélenchon en paraît incapable et Marine Le Pen, même si elle redevenait pleinement la candidate populaire en regagnant encore davantage de voix à gauche, serait d’abord dangereuse pour Nicolas Sarkozy et non pour François Hollande.

7. L’institut BVA publie également une analyse des reports de voix au second tour qui confirme la prééminence de François Hollande et la profonde faiblesse de Nicolas Sarkozy. En présentant successivement le report sur le candidat Hollande, sur le candidat Sarkozy et sur aucun des deux noms, les résultats suivants peuvent être relevés:
Arthaud: 61 / 0 / 39
Mélenchon: 73 / 5 / 22
Joly: 76 / 4 / 20
Bayrou: 44 / 24 / 32
Le Pen: 37 / 45 / 18

Ces chiffres montrent bien que Jean-Luc Mélenchon n’est pas que le candidat du PCF (auquel cas, le report serait de 90%), mais aussi celui de l’extrême-gauche « trotskysante ». C’est plutôt une bonne nouvelle pour le PS, qui ne pâtit pas d’une candidature trop « révolutionnaire » à sa gauche. A l’inverse, le report des électeurs d’Arthaud est moyen, mais c’est logique pour un candidat « social-démocrate » et alors que le niveau de l’extrême-gauche est négligeable.

Ils montrent aussi que le report des voix écologistes est habituel sur le candidat socialiste mais extrêmement faible sur le candidat de droite, alors qu’il devrait être de 15%. Il est vrai que le niveau d’Eva Joly est très bas et qu’elle est désormais repliée sur les Verts historiques et idéologiques.

Ils montrent également le très mauvais report des voix de François Bayrou sur Nicolas Sarkozy, à un quart au lieu de 35 à 40% en 2007, alors que François Hollande prend 45% de ses voix, au lieu de 35 à 40%.

Enfin, l’électorat populaire porté sur Marine Le Pen revient à gauche à hauteur de 37%, plus haut que les 25 à 30% maximum observés depuis le milieu des années 1990. A l’inverse, Nicolas Sarkozy n’est pas capable de prendre plus de la moitié des voix du FN, ce qui marque un léger tassement.

Ces deux sondages viennent utilement renouveler le panel contenu dans notre indicateur, tant pour le premier que pour le second tour.

Cependant, l’écrasante position de François Hollande devrait se modérer avec les semaines qui passent, en raison d’une moindre exposition médiatique et des probables « couacs » entre appareil du PS et proches du candidat. Mais il est douteux qu’il revienne de sitôt en dessous des 30-32%.

A qui profite le retrait de Jean-Louis Borloo ?

La décision de Jean-Louis Borloo de ne pas se présenter à la présidentielle est considéré favorablement à droite. Sauf à considérer que le risque d’un « 21 avril 2002 à l’envers » est une possibilité réelle et grave (ce qui ne révèlerait rien de bon sur la manière dont la droite estime ses propres chances…), il n’en est rien.

1. Depuis la constitution de l’UMP, l’absence d’un pôle identifié de centre-droit pèse lourdement sur les résultats de la droite française. Il n’est qu’à voir les résultats locaux dans le Grand Ouest et en particulier en Bretagne, où la tradition MRP, une certaine modération et un sentiment pro-Européen s’accommodent mal d’une étiquette UMP perçue comme jacobine, peu Européenne et en même temps libérale en économie. Nicolas Sarkozy revient sur des niveaux comparables à ceux d’un des deux meilleurs candidats de droite, en se référant aux élections de 1974, 1981, 1988 ou 1995, sauf que, précisément, ils étaient alors deux candidats majeurs.

De ce point de vue, son idée d’une dynamique de premier tour, tout à fait valable et intelligente en 2007 (dépasser les 30% avait alors créé une impression de puissance et d’efficacité de la campagne qui avait même impressionné une partie des médias de gauche et/ou peu favorables à sa personne), est bien lointaine aujourd’hui alors qu’il semble retomber vers les 20% et s’éloigner des 25% et alors que François Hollande semble en mesure d’atteindre ce seuil de 30%.

Les tentatives internes à l’UMP de structuration d’un pôle de centre-droit n’ont pas abouti et il est aujourd’hui bien tard pour créer un courant de « droite modérée » ou « humaine ». Le fait que le nom de Nathalie Kosciusko-Morizet, d’origine RPR, soit évoqué pour le conduire montre d’ailleurs qu’il ne saurait se substituer à l’ancienne UDF.

2. L’absence de chef incontesté et incontestable pour cette mouvance est ancienne, après les échecs de François Léotard, de Bernard Bosson, de François Bayrou lui-même, d’autres encore, l’absence permanente de concrétisation de l’hypothèse Simone Veil, le leadership de substitution et de transition d’Edouard Balladur, voire la tentative avortée d’un Michel Noir, l’impossibilité fondamentale d’une reprise de l’UDF par les seuls libéraux Madelin et Longuet.

Cette absence est toutefois encore plus criante aujourd’hui. La manière dont Jean-Louis Borloo vient de renoncer, sans préparer le terrain auprès de ceux qui le suivaient, risque bien de détruire ses espoirs politiques pour longtemps, alors même qu’il était le seul en mesure, depuis longtemps, d’offrir une visibilité au centre-droit et de structurer de nouveau ce courant, depuis finalement VGE et Raymond Barre (qui avait lui-même peu structuré son action…). Mais les faiblesses personnelles de Jean-Louis Borloo, la difficulté de créer une véritable force politique en période de déclin électoral (l’ARES n’est rien d’autre qu’une tentative de reconstitution de l’UDF) et la réticence subséquente de nombreux élus du Parti Radical, de la mouvance centriste de l’UMP ou même de caciques du Nouveau Centre ont eu raison de sa tentative.

Or, après Jean-Louis Borloo, le néant. Le seul élément prometteur du « borlooïsme », Jean-Christophe Lagarde, est trop peu connu et influent pour espérer émerger. Quant aux « jeunes pousses » ministérielles, elles sont toutes d’origine gaulliste ou libérale (François Baroin, NKM, Valérie Pécresse, Bruno Le Maire, Luc Chatel). Si Laurent Wauquiez aurait pu prétendre à un rôle plus centriste, son positionnement est désormais davantage celui d’une forme hybride et déroutante de « séguinisme libéral »… Bien entendu, les barons du centrisme (Pierre Méhaignerie, Jean Arthuis, André Rossinot, Marc-Philippe Daubresse,…) n’ont plus, où qu’ils soient, la possibilité réelle de structurer le cours des événements. De ce point de vue, Hervé Morin n’est rien d’autre qu’un nouveau baron du centrisme, mais ne peut à l’évidence jouer le rôle d’un VGE dans les années 1970.

3. La dispersion est aujourd’hui phénoménale :
– le MoDem se compose d’une tendance jeune et « yuppie » (urbaine, moderne et férue de NTIC et de « citoyenneté ») de centre-gauche (en déclin par rapport à 2007), d’une tendance de fidèles à la personne de François Bayrou de manière quasi-sectaire et de quelques barons locaux de centre-droit, encore soucieux de préserver leur avenir,
– l’Alliance centriste de Jean Arthuis comporte elle-même un courant de centrisme strict, désireux de maintenir la distance égale entre le MoDem et l’ARES-NC, et des élus qui choisiraient finalement le centre-droit s’ils y étaient contraints (François Zochetto, Thierry Benoît),
– le Nouveau Centre est divisé entre un chef de plus en plus isolé et dont la motivation semble désormais uniquement personnelle, une tendance « borlooïste » (Jean-Christophe Lagarde, Valérie Létard) qui souhaite s’émanciper davantage de l’UMP et des barons comme Maurice Leroy ou François Sauvadet, conscients que leurs portefeuilles ministériels ou leurs situations locales dépendent encore largement du bon vouloir de l’UMP,
– le Parti Radical, quelque peu désorienté aujourd’hui, dont les membres historiques restent fidèles à l’UMP et au sein duquel la greffe « borlooïste » (Yves Jégo, Rama Yade) pourrait bien ne pas prendre,
– la mouvance centriste de l’UMP (Marc-Philippe Daubresse, Pierre Méhaignerie, Marc Laffineur, renforcés par les radicaux restés fidèles comme Jean Léonetti ou Laurent Hénart) qui n’a pas de chef et de visibilité.

4. Cette absence de centre-droit, quoi qu’en dise l’Elysée, ôte une réserve de voix importante et conduit mécaniquement l’UMP à apparaître davantage marqué à droite, en particulier dans un contexte de FN renaissant, malgré le fait qu’une partie de cette renaissance soit due à un transfert direct d’électeurs potentiels orphelins d’une extrême-gauche médiatisée à la Besancenot. La présence de Jean-Louis Borloo n’avait jusque là, pas gêné Nicolas Sarkozy dans les sondages et ne l’empêchait pas de figurer au second tour.

Au contraire, le ralliement de Jean-Louis Borloo entre les deux tours de 2012, avec une perspective de le nommer, enfin, à Matignon, aurait permis de donner de forts gages aux électeurs modérés, qui auraient alors réfléchi à deux fois avant de glisser un bulletin Hollande dans l’urne (a fortiori un bulletin Aubry). Jean-Louis Borloo aurait été un Premier ministre potentiel rassurant pour une bonne partie de l’électorat, avec une couverture médiatique bienveillante et une spécificité écologique gênante pour un candidat « traditionnel » du PS (comprendre industrialiste).

5. De manière conjoncturelle, le retrait de Jean-Louis Borloo va alimenter les spéculations, même sans chance de réussite, sur d’autres candidatures à droite et au centre, voire sur des candidatures de substitution à Nicolas Sarkozy.

Ici, la menace n’est pas réelle. François Fillon est, au mieux pour les centristes, un gaulliste social, au pire un conservateur traditionnel ; il n’a de toute façon pas d’espace politique à côté de Nicolas Sarkozy et (très) peu de soutiens au sein de l’UMP. Seul un empêchement physique et inattendu de Nicolas Sarkozy lui dégagerait la route : encore faudrait-il qu’il intervienne très tardivement dans la campagne, sinon, d’autres seraient à l’évidence en meilleure situation (Jean-François Copé, Alain Juppé). Quant à Alain Juppé, s’il pouvait apparaître comme un nouveau Balladur pour le centre-droit lorsqu’il n’était plus ministre, il reste identifié au RPR et à la fondation de l’UMP ; en outre, sa profonde impopularité, masquée par les succès qu’il obtient sur un sujet dont beaucoup de Français se moquent (la politique étrangère), est prête à resurgir, surtout alors qu’il est un des très rares à avoir tenté de mener une véritable politique de rigueur et de redressement structurel.

Non, il s’agit plutôt pour Nicolas Sarkozy d’une gêne : pendant qu’il est occupé à étouffer les spéculations, son image se brouille encore davantage et le temps de parole de la droite continue d’être gaspillé alors que le PS s’apprête à se rassembler après avoir parlé, au moins en apparence, du fond. En outre, l’idée de la défaite et, pour beaucoup, la nécessité de se positionner à l’intérieur de la droite derrière les futurs chefs se répandent encore davantage et mobilisent les énergies pour autre chose que la campagne de 2012.

6. Les sondages du printemps avaient indiqué de très mauvais reports de voix de Jean-Louis Borloo vers Nicolas Sarkozy. Effacer le symptôme ne fera bien entendu pas disparaître la cause. La déperdition se faisait au profit de DSK, de François Hollande et même de Martine Aubry, même si dans une moindre mesure.

La situation actuelle du Président risque bien d’empêcher qu’il rallie plus de 2 points parmi les 6,5 recueillis en moyenne par Jean-Louis Borloo.
Il fait peu de doutes que le candidat socialiste parvienne à grappiller 0,5 (Martine Aubry) ou 1 point (François Hollande) au minimum.
François Bayrou devrait bien entendu profiter du retrait de Jean-Louis Borloo, même si sa demi-déclaration de candidature dans la foulée peut apparaître opportuniste : 1,5 à 2 points semble être une fourchette réaliste, en raison aussi d’une exposition médiatique qui va croître et d’une image (auprès de ceux qui ont la mémoire courte et ont peu écouté les Rocard, Barre, Juppé, en leur temps) de prophète sur la dette et les déficits publics.
Dominique de Villepin pourrait récupérer 1 point, peut-être un peu plus, auprès des électeurs qui souhaitent rester à droite mais détestent trop la personne de Nicolas Sarkozy pour envisager aujourd’hui de voter pour lui dès le premier tour.

Il est plus difficile de dire si Eva Joly sera en mesure de récupérer 1 à 1,5 point pour ceux sensibles à la cause environnementale. Le positionnement à gauche de sa candidature n’a semble-t-il pas encore fait reculer le mythe de Verts français essentiellement centrés sur les questions environnementales, alors qu’ils sont devenus principalement une gauche libertaire, après le départ des « environnementalistes » (Antoine Waechter), des « réalistes » (Brice Lalonde) et le déclin des écologistes historiques (Alain Lipietz ou même Yves Cochet). Toutefois, il paraît difficile de penser que les reports puissent être massifs ou, en tous les cas, durables. A défaut, cette frange des intentions de vote pour Jean-Louis Borloo se dissoudrait alors entre le PS et le MoDem ou rejoindrait l’abstention.

(Juste après la rédaction de ce billet, Corinne Lepage, déjà candidate en 2002, annonce qu’elle compte se présenter de nouveau à l’élection présidentielle. Elle devrait donc partager avec Hervé Morin 2 points anciennement portés sur Nicolas Hulot et/puis sur Jean-Louis Borloo… Rien qui changera fondamentalement la face de la campagne et de l’élection: si Corinne Lepage a une forte visibilité médiatique, elle va peut-être lasser les médias qui aiment les têtes nouvelles. Elle a précisé qu’elle n’annonçait pas sa candidature par pur opportunisme après la décision de Jean-Louis Borloo, mais par référence à l’anniversaire de la Constitution de la Ve République…)

Ainsi, la disparition d’un des 4 candidats moyens à 5-7% pourrait ainsi rebattre les cartes dans cet immense « marais » allant désormais d’une partie du centre-droit jusqu’au centre-gauche et que la dynamique médiatique de la campagne de François Bayrou avait réussi à fédérer en 2007, même de manière fragile.

Parviendra-t-il à « refaire » 2007 ? C’est peu probable.
Dominique de Villepin rejoindra-t-il les candidats moyens ? Probablement pas sur le long terme.
Eva Joly émergera-t-elle ? Cela étonnerait.

Au final, le candidat socialiste, pour peu qu’il se positionne bien au centre, est le mieux à même de profiter, directement et indirectement, de cette situation d’explosion des centres et de déclin de l’aile centriste de la majorité. Le retrait de Jean-Louis Borloo est bien une mauvaise nouvelle pour Nicolas Sarkozy.

Je précise enfin que l’indicateur agrégé comprend désormais un intitulé « candidat de centre-droit », destiné à décliner fortement jusqu’à la déclaration de candidature d’Hervé Morin. Lorsque l’incertitude persistait sur l’identité du candidat écologiste, l’indicateur comprenait les résultats de Nicolas Hulot et la courbe générale présentée avec l’indicateur du 3 octobre ci-dessous montre qu’un ajustement s’est produit une fois que le nom d’Eva Joly s’est substitué à celui de Nicolas Hulot. Il en sera de même maintenant avec le candidat de centre-droit. L’objectif de l’indicateur étant de déterminer des tendances, il est logique que subsiste la « trace » de Jean-Louis Borloo pendant quelques temps encore.

Dernier sondage avec Jean-Louis Borloo: Sarkozy s’effrite, Mélenchon émerge, Hollande et Aubry toujours solides

 

IPSOS-Logica Business Consulting
Radio France et Le Monde
30 septembre-1er octobre 2011
échantillon: 962

Hollande 32 / Aubry 29 / Royal 22
Sarkozy 21 / 22 / 23
Le Pen 16 / 16 / 16
Mélenchon 8 / 7 / 9
Borloo 6,5 / 7 / 8
Bayrou 5,5 / 6 / 8,5
Joly 5 / 5 / 7
Villepin 4 / 5 / 4
Arthaud 1 / 2 / 1,5
Poutou 0,5 / 0,5 / 0,5
Dupont-Aignan 0,5 / 0,5 / 0,5

Les grands enseignements de ce sondage sont le retournement à la baisse confirmé des intentions de vote pour Nicolas Sarkozy et l’émergence de Jean-Luc Mélenchon.

1. Nicolas Sarkozy pâtit probablement des effets à retardement de l’approfondissement de la crise économique et financière, avec un profil psychologique morose de la population française en septembre, mois traditionnellement peu favorable. Il est aussi probablement victime de l’accumulation des « affaires », quel que soit leur degré de réalité, la succession des révélations entraînant certainement un effet de trop-plein (même si elle peut, dans un autre sens, brouiller l’image et rendre ensuite toute nouvelle révélation « inopérante » dans la stratégie des médias de gauche, clairement « à l’attaque »).

Cette situation est d’autant plus inquiétante pour Nicolas Sarkozy que les noms de Christine Boutin et de Frédéric Nihous n’ont pas été testés par IPSOS, alors qu’ils grignoteraient encore davantage son potentiel, en particulier en raison des « affaires » pour la candidature de la « droite morale » de Christine Boutin. Alors qu’il semble revenir sur des niveaux « chiraquiens », il n’a plus, contrairement à l’ancien président, de réserves chez un fort candidat de centre-droit, qu’il se soit agi de Raymond Barre (1988) ou d’Edouard Balladur (1995), ou ne peut plus compter sur l’émiettement de la gauche (2002).

2. Longtemps annoncée depuis plus d’un an, jamais véritablement réalisée, l’émergence de Jean-Luc Mélenchon, quelque peu tardive, méritera bien entendu d’être confirmée. La crise, les « affaires », les déceptions face à une candidature Joly qui peine quelque peu à s’imposer et le plafonnement de Marine Le Pen se combinent probablement pour redonner un peu de lustre au score de Jean-Luc Mélenchon, qui avait jusqeu là quelques difficultés à franchir le seuil des 5%. Avec ce sondage et le sondage récent de LH2, une nouvelle tendance semble se dessiner.

Il n’est pas non plus exclu que l’exposition médiatique et le relatif succès d’Arnaud Montebourg et de ses idées clairement marquées à gauche à l’occasion des débats pour la primaire ouverte du PS aient un effet collatéral au profit de Jean-Luc Mélenchon.

3. La bonne tenue formelle de ces débats et la couverture médiatique exceptionnelle qu’elle permet au profit des socialistes jouent clairement en leur faveur: même Ségolène Royal n’apparaît désormais plus menacée d’élimination par Marine Le Pen, ce qui était loin d’être le cas depuis le début de l’année.

De manière constante, François Hollande maintient son écart par rapport à Martine Aubry, très nettement lié à des gains directs au centre et au centre-droit. Il confirme ainsi son atout majeur: être en capacité de gagner au centre, alors que Nicolas Sarkozy se retrouve coincé entre un candidat socialiste à l’image modérée et une extrême-droite toujours menaçante.

4. Que Nicolas Sarkozy tente de faire amende honorable à l’égard du centre-droit et parle d’Europe ou de rigueur budgétaire et il ouvre le champ aux critiques anti-européennes et anti- « établissement » du FN. Qu’il reparte sur le terrain de la sécurité, de l’immigration ou du populisme et les électeurs modérés, orphelins de l’UDF, viennent grossir les rangs de François Bayrou ou, surtout, de Dominique Strauss-Kahn puis de François Hollande, qu’ils veulent croire être, à tort ou à raison, des sociaux-démocrates raisonnables.

C’est un véritable cercle vicieux auquel Nicolas Sarkozy est confronté. Quoi qu’il tente, tout apparaît désormais comme « trop peu, trop tard »:
– Un recentrage ne peut apparaître que comme une énième tentative de manoeuvre politique, après les « ouvertures ». Surtout, avoir maintenu François Fillon à Matignon a définitivement disqualifié cette idée.
– La représidentialisation est difficile alors que les querelles intestines de l’UMP l’obligent régulièrement à replonger dans le débat interne. Elle est également mise à mal par les « affaires ».
– L’action internationale n’intéresse pas l’écrasante majorité des Français: c’est une constante lourde depuis le début des années 1970, les rares exceptions de l’euphorie ayant succédé pendant quelques semaines à la chute du mur de Berlin ou de la vague d’inquiétude dans les quelques mois ayant suivi les attentats du 11 septembre 2001 ne venant pas contredire ce constat.
– La rigueur budgétaire n’est pas un thème de campagne, quoi que disent les sondés: la plupart des Français ne sont pas intrinsèquement prêts à une vraie rigueur, publique (réduction drastique des crédits d’intervention publics, subventions, travaux publics, emplois publics) ou privée (blocage ou diminution des salaires, y compris de manière « cachée » par la libération de l’inflation, et rigueur plus « personnelle » par la renonciation à la part « futile » de la consommation). De toute façon, seul François Fillon avait une crédibilité en la matière, dont il est possible de constater aujourd’hui l’absence d’intérêt alors qu’il fait mine d’appliquer réellement la rigueur et perd en conséquence tout son surplus dans les sondages de solidarité: pour beaucoup de Français, la rigueur est « populaire » lorsqu’elle est théoriquement évoquée et rejetée lorsqu’elle commence d’être timidement mise en oeuvre.
– Quant à une éventuelle évolution « personnelle », elle ne serait pas crédible, car l’essentiel des Français estiment connaître le véritable Nicolas Sarkozy. De la même manière, se réinventer en essayant de « sortir par le haut », comme Jacques Chirac en 1995, n’est pas plus envisageable car les « grosses ficelles » fonctionnent rarement deux fois.

En outre, les médias sont désormais définitivement attelés à la défaite de Nicolas Sarkozy,
– qu’il s’agisse de l’influence croissante des « nouveaux » médias de gauche, voire gauchistes, Rue89, Mediapart, etc.,
– qu’il s’agisse des médias traditionnels de gauche, comme Libération, Le Monde, Le Nouvel Observateur, une partie des rédactions de France Télévisions ou de Radio France, ou des médias historiquement anti-Sarkozy comme Marianne, aigris de leur « défaite » en 2007,
– qu’il s’agisse de ceux qui, en 2007, ont « cru » en lui, se sentent floués et cherchent à lui faire rendre la monnaie de sa pièce, comme certains éditorialistes de tous médias, quelques journaux régionaux ou L’Express.
Le caractère assez puéril de la « défense » effectuée par Le Figaro ou TF1 empêche encore davantage toute tentative crédible de « rachat » de Nicolas Sarkozy.

Il est difficile de trouver une quelconque solution pour Nicolas Sarkozy et les spéculations sur des candidatures alternatives, qui n’aboutiront pas, sont entretenues par cet étau dans lequel il semble enfermé.

5. La tendance reste incertaine pour Eva Joly et François Bayrou, qui ne semblent pas évoluer. Le retrait de Jean-Louis Borloo devrait cependant avoir quelques conséquences en la matière, ainsi que, peut-être, pour Dominique de Villepin.

Une nouvelle phase s’ouvre, après la phase « post-DSK » qui a vu Marine Le Pen plafonner, Nicolas Sarkozy freiner son déclin et François Hollande s’installer en recours faute de mieux, presque « naturel », mais recours quand même. Le retrait de Jean-Louis Borloo devrait faire évoluer les lignes et l’apparente émergence de Jean-Luc Mélenchon est à surveiller.